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En réponse à :

Vieillissement et alimentation

, par Michel

Bonjour, Monique.

Je ne vais pas m’aventurer à répondre à votre question. Car il y a trop de choses à considérer.

Avant tout il faut se demander quel est son état nutritionnel. Et c’est tout sauf simple. Il faut connaître ses habitudes alimentaires, ses goûts, ses désirs, etc. Mais il faut encore plus faire un point biologique, au demeurant très simple. J’ai bien compris que votre mère a beaucoup grossi, mais la dénutrition de l’obèse est un grand classique.

Tout de même je note qu’elle prend des compléments alimentaires. Je parie que c’est là une décision du médecin. Je n’ignore pas que beaucoup de médecins ignorent tout de la diététique, mais c’est indiscutablement un indice fort pour supposer qu’il y a un état nutritionnel plus précaire que vous ne pensez. Cette intuition est renforcée par le fait que la stratégie nutritionnelle de votre sœur telle que vous la décrivez est caractéristique de ce qu’on préconise : elle applique des consignes qui lui ont été données.

Un point en passant : votre mère est centenaire, elle a toute sa tête. Je ne rentrerai pas dans la discussion, toujours difficile, sur ce point. J’insinuerai seulement ceci : dans ma pratique, chaque fois qu’une personne m’a dit : « elle a toute sa tête », il ne m’a pas fallu travailler longtemps pour lui faire constater que si elle le disait c’était parce qu’elle n’en était pas si sûre que ça. Mais supposons : si votre mère a toute sa tête, alors elle est parfaitement capable de se faire entendre, et de dire ce qu’elle veut et ne veut pas. Nous devons donc présumer que son alimentation lui convient. La seule obscurité est, bien entendu, qu’elle a du mal à finir son bol, mais il vaudrait la peine d’en savoir un peu plus

Vous voyez toute la complexité du raisonnement, et pourquoi j’hésite à vous répondre. Et vous voyez aussi pourquoi on ne peut faire l’économie d’un raisonnement purement médical. Tant que j’y suis j’ajoute qu’il n’est guère possible de réfléchir si on ne connaît pas son état de santé, les pathologies, les traitements…

Après je n’aime pas lire qu’elle grossit. Cela ne suffit certes pas, je vous l’ai dit, à garantir qu’elle n’est pas dénutrie, mais tout de même, c’est ennuyeux.

J’ai l’impression que votre sœur fait comme elle sent, et ce n’est pas mal : elle a compris que votre mère n’a plus beaucoup d’horaires de repas, et elle tâche de s’y adapter, ce n’est pas forcément une mauvaise idée. S’il y a un « risque de fausse route » (je mets des guillemets parce que c’est un risque qu’on surestime toujours), je comprends aussi qu’elle ait tendance à se dire que ce qui est pris est pris. Bref je ne suis pas tenté de la critiquer outre mesure, surtout sans aucun moyen de dire si elle n’agit pas sur consigne médicale.

Je n’ai aucune idée sur l’origine de ses douleurs abdominales ; je note que le Dafalgan est efficace, et qu’il l’est dans les délais prévus par la pharmacocinétique. Autrement dit l’hypothèse est qu’il s’agit d’une vraie douleur vraiment calmée par le médicament. D’un autre côté cela tend à indiquer qu’il ne s’agit pas d’une douleur digestive, peu sensible au paracétamol, d’autant qu’il n’est pas très vraisemblable qu’elle se produise avec une telle régularité (et qu’elle ne se produise que la nuit). Mais je ne peux rien dire de plus sans l’avoir examinée.

Tout ce que je peux vous dire c’est la prise en charge alimentaire de votre mère me semble plutôt correcte, et que, tout en comprenant votre questionnement, tout en trouvant très fâcheux qu’elle grossisse, je ne suis pas du tout certain que quelqu’un puisse faire mieux que votre sœur.

Et il faut encore que je vous parle de ça.

J’ignore tout de vos relations actuelles et passées. Mais je peux vous faire part de quelques intuitions.

Votre sœur est célibataire. Elle n’a donc probablement pas eu d’enfants, et je ne prends pas un grand risque en imaginant que, s’occupant de votre mère comme d’un enfant, elle prend une sorte de revanche (contre votre mère, car il y a toujours de vieux comptes à régler ; contre vous, peut-être bien) ; d’où une surprotection, d’où aussi une crispation sur l’alimentation. C’est très classique.

Mais vous, de votre côté, qui par la force des choses êtes un peu évincée de la prise en charge, vous êtes exposée au risque de vouloir affirmer votre présence, ce qui ne peut se faire qu’en contestant ce qui est fait. Je n’ai jamais vu, dans ce genre de situation, de famille qui échappe à des phénomènes (dont au besoin les protagonistes ont claire conscience, qu’au besoin ils sont capables de faire la critique, mais dont on ne se détache pas si aisément) de rivalité, de compétition. C’est la nature même des choses.

Il vous faut donc être très prudente quant à votre approche : non seulement votre sœur ne gère pas si mal, non seulement il y a des forces qui pourraient vous faire vous inquiéter à tort, mais je me dis que si vous arriviez à faire entendre votre point de vue cela ne manquerait pas de déstabiliser votre sœur, ce qui se ferait au détriment de toute la prise en charge. Le mieux est l’ennemi du bien.

Vous me demandez quels sont les menus adéquats qu’on peut lui faire pour éviter ces douleurs au ventre la nuit. Encore faudrait-il prouver que ces douleurs ont un rapport avec ce qu’elle mange, et je vous ai fait part de mes hésitations sur ce point.

De même je ne peux pas vous dire ce qu’il faudrait faire pour limiter les apports caloriques :
- Je ne sais pas s’il faut les limiter.
- Je ne sais pas ce que votre mère veut.
- Je ne sais pas quels sont les apports quantitatifs actuels.

En fait je vous présenterais les choses autrement.

Vous me parlez de cette situation.

Mais quels sont les moyens que vous avez pour en parler avec votre sœur ?

Car de deux choses l’une : ou vous avez la possibilité d’une discuter avec elle et de vous mettre d’accord, ou vous ne l’avez pas.

Et si vous ne l’avez pas, si vous ne pouvez pas conclure avec elle un plan d’alimentation auquel elle adhère, comment allez-vous faire, sachant que bientôt vous devrez rentrer chez vous, et que vous ne contrôlerez plus rien ?

Franchement, non seulement je crois que la prise en charge de votre sœur, si elle n’est pas exemplaire, n’est pas mauvaises, mais je vois bien coups que vous allez prendre, sans voir le profit qu’en pratique votre mère va en retirer. Je serais donc d’une très grande prudence.

Bien à vous,

M.C.

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