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En réponse à :

Le tutoiement

, par Michel

Bonjour !

Je vais sans doute vous répondre trop rapidement.

Les tutoiements que j’ai observés relevaient tous de cette familiarité qui signe une relation dissymétrique. On tutoie un résident comme un maître tutoie un élève.

C’est ce tutoiement qu’il faut éradiquer. Et je crois nécessaire d’arriver à une étape "zéro tutoiement".

Mais il y a d’autres situations, qui nécessiteront, une fois atteint ce point zéro tutoiement, une autre réflexion.

Il y a des gens qui se tutoient de manière naturelle. C’est le cas dans certains milieux sociaux, dans certaines professions. J’ai connu un animateur qui me disait : "je n’ai aucune raison de ne pas tutoyer de gens que je tutoierais dans la vie si je les rencontrais". Et j’ai le souvenir douloureux de ce qui s’est passé lorsque le service a dû prendre en charge (je ne voulais pas, mais l’équipe a insisté) une malade Alzheimer qui était une de leurs anciennes collègues. De même il y a des cultures où le tutoiement est obligatoire : un antillais me racontait qu’en Martinique le vouvoiement est une marque d’hostilité.

Mais il y a encore plus radical.

Supposons cette vieille dame, démente évoluée. On sait que la démence induit un phénomène de régression qui aboutit à ramener le patient dans une zone très antérieure de sa vie. Que ferait-on si on s’obstinait à l’appeler "Madame Dupont", alors qu’elle sait très bien qu’elle a dix ans, et que donc elle n’est pas mariée ? Il faut donc bien l’appeler Albertine, sous peine de créer une authentique situation de maltraitance.

Pour cette raison je propose donc une démarche en deux temps.

La première est purement pédagogique : il faut s’astreindre à supprimer tout tutoiement.

Quand c’est obtenu, on passe à la suivante : il y a des tutoiements judicieux, opportuns, nécessaires. la différence entre les deux se fait en donnant à ce tutoiement le statut d’acte de soins ; autrement dit il doit s’agir d’un acte réfléchi, motivé, et ayant fait l’objet d’une décision d’équipe.

Cela dit, vous avez raison, les résidents se rebellent rarement. Et cela me fait penser qu’on pourrait aussi imaginer une collectivité où tout le monde tutoie tout le monde. Mais que penser de cette absence de rébellion ? Deux choses au moins :
- La première est qu’elle traduit souvent une passivité, une démission qui sont précisément ce qu’il faut combattre.
- La seconde est que par ces familiarités assumées, le résident cherche souvent, non seulement à s’attirer les bonnes grâces du professionnel, ce qui ne serait pas après tout le pire, mais à l’entraîner sur un terrain où il va cesser d’être un professionnel et où il sera plus facile de le manipuler. Ce n’est pas parce que le résident veut de cette relation qu’il faut y céder.

Bien à vous,

M.C.

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