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En réponse à :

Malice, ruse, mensonge

, par Dom

"Une chose est bonne si elle fait le plus de bien possible au plus de monde possible. Soit. Encore faudrait-il définir un peu plus précisément ce qu’est le bien."

Et plus précisément encore, quel est le bien qui fait "le plus de bien possible" à la personne à qui l’on veut du bien. 

J’ai un exemple précis en tête : il s’est produit, je crois, dans les dernières décennies, une assez grande révolution dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, lorsque l’on s’est avisé que toutes démentes qu’elles soient, elles avaient juste envie de vivre "comme avant". Il s’en est suivi un certain nombre d’initiatives visant à "humaniser", à "personnaliser" l’environnement collectif qui devient, par la force des choses, leur dernier lieu de vie. Cela va de la (forte) suggestion aux familles de "meubler" la chambre (individuelle) de leur proche avec un maximum de photos, de bibelots, de meubles, d’objets familiers ou de linge de toilette personnel, jusqu’à la création de véritables "villages factices" qui miment la vie "normale", avec "supérette", salon de coiffure vintage et wagon de train derrière les vitres duquel défilent des paysages. Il semble aujourd’hui qu’il existe un consensus sur l’excellence de cette approche. 

Pour ma part, je n’y ai jamais cru. J’ai dû "placer" ma mère en EHPAD quand il lui est devenu impossible de rester chez elle, quelle que soit l’armada d’assistance déployée pour la maintenir à domicile. Et comme d’innombrables proches dévorés par la culpabilité, j’ai dû affronter, à chaque visite, la redoutable question : "Quand est-ce que tu me ramènes chez moi ?" (avec toutes ses variantes). Comme d’innombrables proches, j’ai menti à moitié : "Pour le moment il faut d’abord que tu te retapes un peu". Autrement dit, j’ai joué la carte du "provisoire", parce que déjà aussi "loin" qu’ait été ma mère, si il y a bien une chose dont je suis sûre qu’elle était clairement et parfaitement consciente, c’est que l’EHPAD, c’était pas "son chez elle".

J’ai donc refusé de "personnaliser" sa chambre, j’ai posé sa valise en évidence, et je l’ai pourvue d’une large quantité de serviettes de toilette d’hôtel, uniformément blanches. Fiction pour fiction (ou mensonge pour mensonge), celui-ci m’a semblé moins "malhonnête" que l’autre. 

J’ai donc, personnellement, choisi pour ma mère ce que je pensais lui être "le plus grand bien possible" - c’est-à-dire lui laisser l’espoir d’un retour en arrière. Je ne prétends certainement pas que mon choix était plus juste ou mieux avisé que celui de la science gériatrique moderne, je veux juste montrer qu’il n’existe probablement pas, dans ce domaine, de "bien absolu" qui balayerait toutes les objections et réglerait toutes les questions éthiques que l’on peut se poser lorsqu’on veut "faire au mieux". 

 

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