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En réponse à :

> Une enquête sur la maltraitance : I : le questionnaire

, par Michel

Bonsoir, Séverine.

Mais si, vous avancez.

Voyons. Il y a une situation qui semble assez simple, c’est celle des comportements qui relèvent du Code Pénal.

Mais pourquoi faudrait-il nommer ces comportements ? Les lieux de soins sont des lieux comme les autres, et les milices privées sont interdites. Donc le droit qui s’applique dans les lieux de soins, c’est le droit commun. Dans ces conditions il ne sert à rien de dire qu’on appelle maltraitances les actes qui relèvent du Code Pénal. Le devoir du soignant est clair :

« une aide soignante a arrêté de faire manger une patiente parce qu’elle n’allait pas assez vite à déglutir. »

Cela constitue le délit de délaissement. Code Pénal articles 223-3 :

Le délaissement, en un lieu quelconque, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« La deuxième, c’est une patiente alzheimer qi s’accroche à tout ce qu’elle peut et l’aide soignante lui a mis une claque sur la main. »

Cela constitue le délit de violences. Code Pénal, article 222-13 ;

Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises :
1º Sur un mineur de quinze ans ;
2º Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur.

"Et enfin c’est le fait d’enlever la sonnette à une personne agée soit disant parcequ’elle ne sait pas pourquoi elle sonne. »

Cela constitue le délit de mise en danger de la vie d’autrui. Code Pénal, article 223-1 :

Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

Allons plus loin : vous avez l’obligation d’intervenir. Code Pénal, article 223-6 :

Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Et vous êtes tenue de dénoncer. Code Pénal, article 434-3 :

Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende.

Mais nous voyons bien que les choses ne peuvent pas se passer ainsi.

Car de quoi parlons-nous ? Nous parlons de professionnels qui craquent, nous parlons de professionnels qui n’ont pas été formés à la prise en charge des déments, nous parlons de professionnels qui ne sont pas préparés à leur travail. Nous parlons de professionnels qui sont probablement pas très fiers de leur attitude, qui essaient de se justifier comme ils le peuvent. Ce que nous avons à faire, ce n’est pas d’écrire au Procureur, mais d’essayer d’agir auprès d’eux, et surtout de les former. Face à ce que vous décrivez, et qui est « la maltraitance ordinaire », il y a beaucoup de travail, et notre devoir est évident.

Les problèmes ne se posent qu’au niveau théorique, mais là ils se posent. Et si cela n’a aucune importance quand nous considérons ces actes de maltraitance ordinaire, cela en aura vite quand nous attaquerons les zones plus floues.

Ce à quoi vous avez assisté, ce sont des violences.

Je vous ai dit qu’il y a des violences dont on ne peut faire l’économie (traiter contre son gré un malade agité qui se met en danger, par exemple).

Ici nous avons franchi un pas de plus : ces violences ne sont pas nécessaires. Mais on peut considérer qu’elles ont échappé à leurs auteurs, ce qui change et le regard qu’on porte sur elles et surtout la stratégie qu’on va adopter pour lutter contre. On entre là dans la maltraitance.

Mais nous savons bien, les journaux en parlent, qu’il y a des maltraitances quasiment délibérées.

Et puis il y a les infractions caractérisées au Code Pénal.

Ce qui rend les choses difficiles, c’est qu’en fait les maltraitances sont toujours des infractions au Code Pénal, et que nous commettons un abus de pouvoir quand nous prétendons les régler nous-mêmes.

Ce qui rend les choses difficiles, c’est que la matraitance résulte de l’action d’un maltraitant sur un maltraité. Et il est injuste de stigmatiser de la même manière le professionnel qui n’a pes été formé à la prise en charge du dément et le professionnel qui prend un plaisir sadique à humilier la personne. Mais d’un autre côté il y a peu de chance que le maltraité, lui, soit très sensible à cette nuance.

Provisoirement toujours, je vous proposerais de dire ceci : un acte est certainement un acte de maltraitance :
- S’il est violent d’une manière ou d’une autre.
- Si cette violence n’est pas absolument nécessaire.
- Et si elle constitue, même si peu que ce soit, une infraction au Code Pénal.

Mais je sais bien que rien de cela n’est clair : car tout le monde ne voit pas la violence aux mêmes endroits, tout le monde ne juge pas identiquement de la nécessité de la violence, et tout le monde n’est pas d’accord sur l’opportunité de recourir au Code Pénal...

Cependant, vous avancez.

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