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En réponse à :

Vincent Lambert : Enfin

, par Michel

Bonjour, Un autre

Faut-il y revenir ? Non si l’on dit que la loi est simple, qu’elle a été appliquée et parfaitement, qu’il n’y a donc pas de problème éthique, et que tout est bien ainsi.

La loi est somme toute assez simple. Quant à la régularité de son application elle a été constatée par les tribunaux. Je n’en sais pas plus.

Oui si l’on dit que tout nouveau cas a le mérite d’éclairer des aspects non pensés par le législateur ou non connus par le grand public, et de restreindre la nature éthique du problème aux cas sans solution.

J’ai suffisamment dit que les auteurs de la loi Claeys-Léonetti, et même de la loi Léonetti I, n’ont pas pesé les conséquences de ce qu’ils écrivaient. Je me garderai bien d’écrire que dans le cas de cette loi Claeys-Léonetti ils se sont un peu couchés devant les militants de l’ADMD ; mais il se peut aussi que ce ne soit pas délibéré : j’entendais l’autre jour Claeys déclarer dans le poste que dans le cas de Vincent Lambert il n’y avait pas de personne de confiance, ce qui à tout le moins suggère qu’il ne connaît pas la question ; et Léonetti pronostiquer qu’en raison de la sédation Vincent Lambert allait mourir en trois ou quatre jours, montrant pas là qu’il n’y comprend pas grand-chose. Mais je vais plus loin : je le dis et le répète : le problème ne vient pas de la loi, il vient du fait qu’on demande à la loi des choses qui ne sont pas de son ressort ; et tant qu’on le fera on se tapera la tête contre les murs. La seule chose que la loi peut faire, et c’est déjà beaucoup, c’est décrire des procédures de décision. Pour le reste, la référence n’est pas dans les lois Léonetti mais dans la loi Kouchner :
- Quand le malade est en état de se prononcer, il décide de ses soins, un point c’est tout. Le seul problème est que si on envisage ainsi le cas du malade qui refuse les soins, on ne se pose pas la question du malade qui veut des soins que le médecin juge inappropriés. Mais ce cas se règle après tout assez simplement : car quand il s’est produit que tel ou tel malade exigeait de moi que je cesse des soins qui me paraissaient indispensables, j’ai répondu que dans ces conditions je ne pouvais plus le soigner, et que j’étais prêt à rechercher avec lui un autre médecin. J’ai toujours eu gain de cause, car justement on peut discuter. J’aurais agi de la même manière si un malade m’avait demandé un acte d’acharnement thérapeutique.
- Quand il n’est pas en état de se prononcer, il reste à décider qui décide, et comment. C’est ce que la loi fait.

Les choses sont donc très claires, et s’il y a un problème éthique il n’est pas là.

Là nous avons une solution. Mais est-ce la bonne : devra-t-elle être réutilisée à l’identique et les nombreux recours doivent-ils constituer la solution normale ?

Il serait inacceptable, c’est même le combat qui nous attend, que le cas de Vincent Lambert fasse jurisprudence. Malheureusement il y aura fort peu à faire contre les multiples recours, dont la possibilité garantit l’exercice du droit. La seule chose à faire est d’espérer que peu de malades auront affaire à une famille qui se déchire, à une famille en deuil pathologique, à une famille manipulée par un lobby intégriste. Mais quand ce sera il cas il faudra accepter d’en passer par là.

C’est bien de cela dont nous parlons : quand agir et quand ne pas agir, et surtout savoir quand la question doit se poser, et quand elle ne doit surtout pas se poser.

D’où la nécessité de garder au débat son aspect technique. C’est le médecin qui dit, après avoir respecté les exigences de consultation prévues par l’honnêteté intellectuelle, et accessoirement par la loi, quels sont les soins appropriés.

Ce que je dis est que cette affaire montre le rôle prédominant du tuteur : "Le tuteur peut décider de refuser un acte médical (curieusement on ne se demande jamais ce qui se passe quand il veut l’imposer). Il peut décider de changer de médecin".

Je pense depuis le début, il suffit de la lire, que la loi Claeys-Léonetti a été écrite avec une invraisemblable négligence. L’exemple est dans ce que vous rapportez.

Quand le Juge désigne un tuteur, il peut lui confier les biens de la personne, la personne elle-même ou les deux à la fois. Dans tous les cas il a toute latitude pour paramétrer les prérogatives du tuteur. Mais la loi Claeys-Léonetti n’en a cure, qui dit que le tuteur est personne de confiance, sans se demander s’il s’agit d’un tuteur aux biens ou d’un tuteur à la personne. Dans une situation aussi extrême le bon sens aurait voulu qu’on demande au Juge de trancher à la place du tuteur ; je ne sais pas si cela a été fait ou demandé.

L’ancienne loi sur les tutelles « réduisait la personne protégée à l’état de mineur » ; le tuteur jouait le rôle de ses parents, et disposait à ce titre de l’équivalent de l’autorité parentale ; sa voix était donc celle du malade. Mais cela ne lui donnait pas le pouvoir de forcer la main du médecin, qui pouvait alors se retirer, sa seule obligation morale étant, comme pour les avortements, de chercher un confrère.

La nouvelle loi est plus souple, comme on le voit au fait qu’elle cherche à laisser à la personne protégée un pouvoir de décision. Le problème est qu’elle le fait de manière stupide, méconnaissant par exemple que si la personne est protégée c’est précisément parce qu’elle n’a pas les moyens de prendre ces décisions, comme de choisir son lieu de résidence ou, plus absurde encore, de se marier. Toujours est-il que ce qu’elle dessine c’est que pour les situations les plus extrêmes c’est le Juge qui statue. Mais il ne peut toujours pas contraindre le médecin. En théorie du moins ; en pratique c’est évidemment une autre affaire. Ce que le Juge ou le tuteur auraient pu faire, c’est exiger la sortie du malade.

Et que le médecin ne décide pas de tout puisque l’issue n’aurait pas été la même si les parents avaient été tuteurs ou bien si le tuteur avait été d’accord avec la position des parents.

Le médecin décide souverainement des soins qu’il va prodiguer. Ce qu’il ne maîtrise pas c’est la présence du malade dans ses lits.

"Il est aventureux de prétendre qu’un malade en état végétatif chronique n’a même plus les moyens de souffrir". Je suis parfaitement d’accord. La sédation aurait donc dû être utilisée dès le début de l’affaire. Il se trouve que cela n’a pas été le cas, mais que l’argument est utilisé pour justifier un arrêt des soins. Ce qui entache la décision médicale.

Je ne sais pas pourquoi la sédation n’a pas été envisagée plus tôt. C’est une question que je me pose depuis quelques mois. Je sais seulement qu’il n’est pas facile de décider ce type de sédation, qui revient tout de même à priver le malade de sa présence au monde (reconnaissant du même coup qu’il en a une). C’est pourquoi je m’en tiens à ma position, peut-être confortable : on ne parle pas du concret d’une situation qu’on n’a pas vue.

Laissons tomber cette histoire d’incarnation. Je voulais souligner qu’elle est un fantasme d’un autre âge concernant le mariage et que l’enjeu est plutôt de parvenir à l’éviter en tous contextes.

Je comprends. Mais ce n’est nullement un fantasme : la loi dispose par exemple qu’il n’y a pas lieu à tutelle quand la personne à protéger est mariée, pourvu que le conjoint soit en état de remplir son devoir d’assistance.

Soit l’on considère que l’ensemble de la procédure est parfaite, et que les nombreux recours ne sont que la manifestation et le règlement juridique d’un désaccord légitime.

C’est ce qui a été jugé.

Soit l’on considère qu’il y a quelque chose qui n’est pas entièrement satisfaisant. Dans ce cas, une procédure nécessairement collégiale ne permettant de refuser le maintien en vie qu’en l’absence de contestation écarterait la succession de recours.

Mais… ce que vous voyez c’est précisément qu’il y a eu toutes les procédures collégiales prévues par la loi, qu’il ne pouvait pas y en avoir d’autres, sauf à décider, ce que je trouve dangereux, que ce n’est pas le médecin qui a le dernier mot ; et c’est la contestation de la procédure qui, de manière inévitable, a déclenché cette avalanche de recours.

Est-ce justifier tous les acharnements thérapeutiques ? Je ne crois pas. C’est éclaircir ce qu’est un acharnement thérapeutique.

Je ne vois pas comment. Le grand tort de la loi, mais je l’ai déjà dit plus d’une fois, c’est de se figurer qu’elle a défini l’acharnement thérapeutique ; je défie quiconque de me le définir.

C’est d’abord éviter un acharnement juridique.

Comment ? Toute procédure peut toujours être contestée. Celle-ci l’a été, et il a bien fallu supporter les divers recours démocratiquement prévus.

C’est identifier les personnes qui participent à la décision, c’est peut-être dire qu’elles ont solidairement une obligation d’assistance envers lui.

C’est ce qui a été fait. La seule amélioration possible serait d’écrire noir sur blanc le primat de l’opinion du conjoint ; je doute que cela aurait suffi.

C’est affirmer que le maintien en vie est la règle lorsqu’il ne dépend pas d’un traitement médical.

Ce n’est pas retirer au médecin le refus d’un traitement qui serait déraisonnable. Mais c’est sans doute dire que l’alimentation artificielle n’est pas un traitement.

Je veux qu’on sorte de cette distinction absurde entre soin et traitement, à laquelle personne ne comprend plus rien (et notamment pas Léonetti ou Sicard, qui les confondent régulièrement quand ils en parlent. Cela dit la loi Claeys-Léonetti a tranché : l’alimentation artificielle est un traitement). Cette distinction est absurde parce que la loi dit que je peux refuser les traitements mais ne dit pas que je peux refuser les soins. D’où il suit que je peux refuser mes médicaments mais pas ma toilette ; je souhaite bien du plaisir à l’aide-soignante qui voudrait m’imposer une toilette dont je ne voudrais pas.

Est-ce un questionnement qui a un sens après l’affaire Lambert ?

J’espère bien que la prochaine fois on reprendra l’intégralité du questionnement…

Bien à vous,

M.C.

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