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En réponse à :

Prise en charge des fausses routes en gériatrie

, par Michel

Bonsoir, Simon, et merci de ce message.

Je crois que vous posez un problème très compliqué, et je me reproche régulièrement d’être trop paresseux pour m’y colleter (à supposer que j’en aie les moyens). Il me semble que l’une des clés essentielles se trouve dans le paradigme médical. La question des fausses routes n’est pas simple, et en tout cas elle est probablement moins simple que je ne l’écris dans cet article. Mais elle fait partie de ces domaines dans lesquels tout professionnel peut adopter une démarche médicale, sur le modèle signes-diagnostic-traitement. Et ce que je dis c’est que dans cette affaire ni les signes, ni le diagnostic, ni le traitement ne sont réellement adaptés. Je ne méconnais pas que les fausses routes existent, que la pneumopathie de déglutition est un problème, et qu’il y a des gens qui en meurent ; de sorte que la position que je préconise comporte des risques que je crois légitimes mais qu’on n’est pas forcé d’assumer. Bref, je ne crois pas que dans cette affaire les professionnels agissent « bêtement » : ce n’est vrai que dans un sens, et si on reste à ce niveau d’analyse on se prive peut-être de découvertes très intéressantes.

Je ne sais pas aller très loin dans cette voie ; mais je trouve particulièrement significative l’histoire du diagnostic infirmier et du rôle propre infirmier. Il me semble que si ces mots ont un sens il faut que le diagnostic infirmier porte sur un domaine qui est exclusivement du ressort de l’infirmière.er (pardon, mais l’écriture inclusive m’agace, je m’y intéresserai quand on m’aura dit ce qu’on fait pour les blanches qui valent deux noires), et que s’il y a un rôle propre il concerne des actes que l’infirmière est seule à pouvoir accomplir. Or ce n’est pas ainsi que cela fonctionne, et pour l’essentiel j’ai toujours trouvé que le médecin, s’il a un peu le sens de son métier, doit s’intéresser de près aux situations qui font l’objet d’un diagnostic infirmier, et que le rôle propre infirmier ne doit pas concerner des actes que, tout de même, l’infirmière peut faire aussi bien que le médecin.

Ce que je veux dire par là c’est que les rôles respectifs du médecin et de l’infirmière doivent être entièrement redéfinis, et qu’il y a un bon nombre de tâches qui sont actuellement réservées au médecin alors qu’il n’y a aucune justification. Bref dans mon monde rêvé je ne vois aucun inconvénient à ce que l’infirmière fasse des coloscopies, surtout si le médecin emploie le temps ainsi libéré à apprendre à faire une toilette, ce qui lui ouvrira quelques horizons sur ce que c’est qu’un vieux. Il y a de toute évidence une révolution à faire. Mais cela ne nous dit toujours pas ce que pourrait être un diagnostic infirmier, ni un rôle propre infirmier. Je ne sais même pas si cela peut exister ; mais si cela existe alors (loin de concerner des situations pour lesquelles l’infirmière fait tout de même aussi bien que le médecin) cela doit permettre de traiter des données auxquelles l’infirmière a accès parce qu’elle est infirmière, et auxquelles le médecin n’a pas accès parce qu’il est médecin ; et ceci en raison non point de leur statut mais de leur formation. Si le médecin sait des choses que l’infirmière ne sait pas, c’est moins une question de savoir plus approfondi que de mode de pensée spécifique. Et ce que je crois c’est qu’il y a, de la même manière, des choses que l’infirmière sait et que le médecin ne peut pas savoir en raison même d’un mode de pensée différent.

Prenons un exemple. Le médecin a bâti son savoir (symboliquement, bien sûr), sur l’étude du cadavre ; pour examiner le malade, pour faire un diagnostic, la condition essentielle est qu’il ne bouge pas. Mon savoir est celui de l’immobilité, et c’est toujours en ces termes que je raisonne ; eh bien, j’ai appris une foule de choses sur les hémiplégies en regardant un ami qui avait une formation de professeur d’éducation physique : son monde était celui du mouvement. Nos deux mondes étaient largement incompatibles, nous avions chacun, irrémédiablement, une moitié du savoir nécessaire.

C’est à cela que je pense quand je réfléchis au rôle propre et au diagnostic infirmier. Il y a des choses qui doivent être radicalement spécifiques. Car s’il n’y en a pas, alors il n’y a ni diagnostic infirmier ni rôle propre infirmier. Allons plus loin : j’ai travaillé (pas assez longtemps pour aboutir) sur des éléments de diagnostic aide-soignant, et de rôle propre aide-soignant ; ce travail devrait être refait.

C’est en travaillant dans ces directions qu’on pourrait progresser sur une problématique comme celle des fausses routes. Il est insuffisant de dire que les soignants ne font que répéter sans réfléchir des recettes du passé, je crois qu’il s’agit d’autre chose. Mais j’y pense trente ans trop tard.

Sur le biberon vous avez raison de vouloir essayer des solutions moins traumatisantes pour les soignants. Mais il me reste deux choses.

La première c’est que je crains qu’ils n’identifient le verre à bec de succion volontaire à un biberon : c’est aussi un ustensile pour les bébés.

La seconde est que si, en effet, il faut savoir contourner les obstacles et ne pas se buter sur un obstacle symbolique, je crois qu’on ne fera pas de progrès radical tant qu’on n’aura pas élucidé ce qui réellement se joue là.

Bien à vous,

M.C.

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