Poster un message

En réponse à :

La confusion mentale

, par Michel

Bonjour, Catherine.

Vous deviez bien penser qu’une situation aussi complexe ne peut se traiter par Internet. Il faut voir le patient, reconstituer toute l’histoire et se taire tant que ce n’est pas fait.

Mais ce qui est certain c’est que les choses évoluent depuis un an.

On partait d’une situation grave : une artériopathie diabétique avec un ulcère. Même parfaitement prise en charge il n’est pas fréquent que cela évolue correctement. Cela s’est aggravé, c’est malheureusement habituel.

Je veux d’abord commenter quelques points :

Mon père (84 ans cette année) a subi en mars 2018 une intervention visant à lui poser un Sten (il souffre d’artérite des membres inférieurs aggravée d’un ulcère diabétique). L’opération a échoué au prétexte qu’il ne supportait pas l’opération (le chirurgien n’avait pas consulté son dossier stipulant qu’il souffre d’extrasystoles).

J’ai du mal à y croire. D’abord parce que la pose d’un stent artériel est un geste facile, et que je ne saisis pas pourquoi on aurait dû y renoncer ; surtout pour des extrasystoles, ce qui est tout de même une pathologie assez banale. Je passe sur le fait que le chirurgien vasculaire est en général un peu cardiologue, et qu’un cardiologue qui ne regarderait pas le dossier cardiologique serait un étrange cardiologue. Ce que je veux vous dire c’est que j’ai l’intuition qu’il s’est passé autre chose : il y a eu un incident qu’on vous a peut-être, pour faire simple, décrit comme des extrasystoles, mais qu’il s’est agi d’autre chose, et que l’état cardiaque de votre père est plus dégradé que vous ne pensez.

Puis il a été hospitalisé en avril 15 jours pour une érysipèle.

Et c’est grave : les ulcères chez le diabétique sont graves ; quand ce sont des ulcères artériels, c’est pire ; et quand ils s’infectent, il faut beaucoup de chance pour s’en sortir.

L’hôpital l’a pour autant fait sortir en état de dénutrition sévère.

Je peux le comprendre : soit parce que, dès ce moment, les médecins ont pensé que la situation devenait palliative ; soit parce que l’important était de faire le diagnostic de dénutrition. Les chiffres sont accablants : 50% des malades âgés hospitalisés sont dénutris quand ils arrivent, et cette dénutrition tend à s’aggraver au cours du séjour, quoi qu’on fasse. Je suis prêt à suivre un médecin qui aurait dit que le meilleur endroit pour traiter la dénutrition d’un malade est son domicile.

Le temps passe, et les choses ne s’arrangent pas ; le gériatre intervient en novembre. C’est très tard (mais qu’y pouviez-vous ?). Et il dit :

que l’état des personnes âgées s’envenimait pas pallier, qu’il était confus et désorienté dû à un démence vasculaire et qu’en dessous de 200 ml, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Et là, malgré mes alertes auprès de son médecin traitant et dudit gériatre, il ne fallait pas s’inquiétait. C’était dans l’ordre des choses et qu’il fallait insister pour qu’il se nourrisse et surtout, boive.

Et ce sont des choses que j’aurais pu dire. Je l’aurais fait si j’étais arrivé à la conviction qu’il n’y avait plus grand-chose à faire, et que nous étions dans une situation où le mieux était d’accompagner le malade vers une fin inéluctable, au moins à moyen terme. Je vous aurais dit qu’il le fallait pas s’inquiéter de la déshydratation si j’avais estimé que l’alternative était de l’hospitaliser à chaque épisode, et que tout compte fait il valait mieux qu’il reste chez lui ; par ne pas s’inquiéter, j’aurais voulu dire, non pas que la situation n’était pas grave, mais qu’elle n’était pas désespérée à court terme.

Mais que vous a dit le gériatre ?

Il en va des gériatres comme de tous les médecins :
- Il y a des gériatres incompétents.
- Il y en a qui sont négligents.
- Il y en a beaucoup plus qui ne savent pas, ou n’osent pas, ou ne veulent pas, parler clairement.
- Mais le plus fréquent (pardonnez-moi) est qu’ils sont compétents, attentifs, communicants, mais que ce qu’ils ont à dire est si dur qu’on ne les entend pas. Ici vous me faites penser avant tout à un mal-entendu : le gériatre a cru parler clairement, sans voir que vous ne mettiez pas les mêmes mots sur les mêmes choses.

Résultat, il a été hospitalisé début février car son ulcère diabétique se nécrosait, avec une clairance des reins à 18 qui est remonté à 60, 4 jours après. Les médecins n’ont pas voulu l’opérer alors que sa jambe n’est quasi plus vascularisée au prétexte d’un facteur risque trop élevé.

Le problème est caractéristique : pour éviter cela il aurait fallu le maintenir en hospitalisation, faire l’impossible pour le remettre un peu en forme, et l’opérer à froid. Vu l’évolution, notamment intellectuelle, je comprends qu’on ait jugé que c’était là mission impossible, et que c’était infliger en pure perte au malade des souffrances et des inconforts inacceptables ; ce que je crois c’est que depuis un an les médecins se préoccupent surtout d’éviter l’acharnement thérapeutique ; je ne sais pas s’ils ont eu raison, mais je les comprends. Le seul problème est qu’on ne s’est pas assuré que vous l’aviez compris.

Alors on n’a pas voulu l’opérer. C’est encore plus difficile. Personnellement j’aurais pu évoquer l’idée d’une opération, car certes, le risque opératoire était majeur, mais pas tellement plus majeur que le risque de l’abstention. Ce sont des combats que j’ai souvent menés, je crois que je les ai presque tous perdus, et dans le seul cas dont je me souvienne la suite m’a donné tort.

Les aides-soignantes ne l’alimentaient plus non plus au prétexte qu’il refusait et que c’était sa volonté.

Et il se pourrait bien qu’elles aient eu raison. Mais je n’en peux rien savoir.

Ainsi, mon père est entré à l’hôpital quasi sur ses jambes et en ressort condamné.

Je comprends que vous ayez cette impression. Mais… ce n’est qu’une impression : le vrai est que les choses sont compromises depuis très longtemps. Mon idée est que si le stent n’a pas pu être posé, c’est parce que dès ce moment on a jugé que la situation était trop grave ; le miracle est qu’elle ait duré un an.

Son cerveau serait atrophié (il aurait fait par le passé des ICV). Mais lorsque je lui ai dit qu’il rentrait à la maison, il m’a dit que c’était une bonne nouvelle. Est-ce la réponse d’un homme dont le cerveau ne fonctionne plus ?

Oui. Cela ne suffit nullement.

Il dort quasi tout le temps mais n’y a-t-il pas une tentative de la dernière chance ?

J’aimerais vous dire que oui, Catherine. Mais je n’y crois pas.

Vous savez, la question de l’acharnement thérapeutique se pose exactement dans ces termes. Refuser l’acharnement thérapeutique, ce n’est pas refuser des soins qui n’ont aucune chance d’aboutir (ça, c’est du simple bon sens, et les médecins n’en manquent pas) ; c’est refuser des soins qui ont une chance d’aboutir, mais une chance si faible que, comparée aux tourments qu’on va infliger au malade, on pense qu’il vaut mieux ne pas la tenter.

Et ce qui me rendrait le plus pessimiste, c’est la durée de l’évolution, cette lente évolution d’une pathologie qui, déjà, en elle-même, tend inéluctablement vers l’aggravation.

Encore une fois, je n’ai rien vu. Mais si vous me demandez de porter un jugement (et vous avez tort de me demander cela), je suis prêt à dire que j’aurais fait, à peu près, la même chose.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.