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En réponse à :

Problématique de la vérité

, par Michel

Bonjour, Poucette.

Les précisions que vous donnez sont très éclairantes.

Votre mari n’a jamais posé de questions. C’est une situation classique, et si un malade ne pose pas de questions il ne faut pas prendre les devants. Le seul point à considérer est de savoir s’il ne pose pas de questions parce qu’il a déjà les réponses, ou s’il n’en pose pas parce qu’il ne sait pas qu’il y a une question ; c’est pourquoi il faut tout de même trouver un juste milieu pas du tout simple entre les paroles brutales et la loi du silence.

Nous avons nous aussi en France un dispositif qui permet au proche d’un malade de laisser son travail pour s’occuper d’un parent en fin de vie. Mais ce que vous dites est très intéressant.
- D’abord parce que, comme vous le dites, il s’agit d’une aide pour les patients qui sont menacés de mort dans les six mois. Mais il va de soi qu’il ne s’agit que d’une menace, car un pronostic à six mois est toujours très hasardeux : si la chance veut que le malade ne meure pas au bout du temps, je suppose qu’on ne demande pas le remboursement de la prestation.
- Ensuite parce que les conditions sont claires : la prestation est accordée dans les cas où le pronostic est à six mois Et cela vous le saviez avant de la demander : la lettre ne vous a annoncé que ce que vous saviez déjà. Cela montre à quel point ce n’est pas la même chose de savoir une information, de la lire, de l’entendre...

Enfin, vous demandez : Comment se fait-il que jamais un médecin n’ait osé lui dire qu’il ne se réveillerait pas ?? Est-ce que çà ne fait pas partie de leur job aussi ???? Franchement, je ne l’aurais pas dit non plus : à lire ce que vous en racontez, votre mari avait parfaitement compris de quoi il était question, et il était inutile d’insister.

Ce que je ne comprends pas très bien dans les souffrances du dernier mois, c’est que la manière dont vous décrivez la prise en charge, notamment de l’occlusion intestinale, montre que vous avez eu affaire à une équipe qui connaissait le travail. Pourquoi a-t-elle échoué à soulager son malade, alors que d’ordinaire ces situations ne posent pas de problème particulier ? Vous dites : cette tumeur au sein gauche qui grossissait , toute rouge et bleue, chaude et pleine de fièvre... et que personne ne semblait s’occuper malgré la douleur insupportable... C’est cela que je trouve étrange.

J’ai envie d’attirer votre attention sur un point : l’une des difficultés du deuil est d’accepter que l’autre nous échappe. Et c’est une réaction normale que de vouloir tout comprendre, tout expliquer, tout contrôler. Mais le travail du deuil est justement de comprendre que c’est un leurre : l’autre est parti, nous ne savons pas ce qu’est la mort, et il est entré dans un secret sur lequel nous ne pouvons rien. C’est cela qui explique votre propos : j’ai demandé aux intervenants de me dire exactement ce qui se passerait après qu’ils ont endormi mon mari , j’avais besoin de savoir chaque étape.... Mais ce besoin ne sera pas satisfait. De même, quand vous demandez : Vous dites que cette forme de cancer aurait pu être curable... Comment se fait-il que mon mari n’a pas pu s’en sortir cette fois ?????, je sais que vous connaissez la réponse : le cancer du poumon est un cancer de mauvais pronostic ; le carcinome neuroendocrine est plutôt plus sensible à la chimiothérapie, ce qui lui donne un pronostic moins mauvais. Mais un cancer de moins mauvais pronostic n’en reste pas moins un danger majeur, avec une survie 5 ans qui doit être de l’ordre de 20%. En fait vous le comprenez très bien, mais c’est encore un peu trop dur à se dire.

Ce qui me semble important, c’est la conclusion que vous tirez : Il savait lui... mais... il ne voulait tellement pas me faire de peine... je savais aussi... C’est souvent comme cela, et il faut savoir faire la différence entre les situations où entre les protagonistes la parole est bloquée parce qu’on a laissé le mensonge s’installer et les situations où la pudeur de chacun fait qu’on se ménage. Ici j’ai vraiment l’impression que les choses entre vous étaient très claires ; bien sûr les paroles qui n’ont pas été dites vont vous manquer. Mais au fond, c’était sans doute aussi bien ainsi.

Bien à vous,

M.C.

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