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En réponse à :

Problématique de la vérité

, par Michel

Bonsoir, Poucette.

Je serais tenté de ne pas répondre à votre message, tellement il est plein et beau. Il appellerait le silence respectueux. D’un autre côté il y a certains points sur lesquels un commentaire pourrait vous aider.

Le point le plus important, celui qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que vous êtes sur ce long et douloureux chemin qui s’appelle le deuil. Ce chemin doit être parcouru, vous la parcourez à votre rythme, à votre manière, et il n’y a aucun lieu de s’inquiéter de la manière dont vous le parcourez. Faire son deuil, c’est arriver à accepter de vivre sans l’autre, c’est accepter l’idée qu’on ne trahit pas celui qui est parti en continuant le chemin sans lui. Ce n’est pas facile, c’est pourtant la seule manière de lui rester fidèle. Mais c’est un long apprentissage.

Je vous dis cela parce que la question que vous vous posez, comprendre exactement ce qui s’est passé est à la fois très importante, totalement légitime, et un peu vaine ; vaine parce que personne ne peut réellement y répondre, vaine aussi parce que j’y entends une tentative pour maîtriser quelque chose qui ne peut l’être.

Une autre précaution : je ne suis pas certain que vous habitiez la France. Or les manières d’aborder ces questions dépendent beaucoup des pays et des cultures ; il n’est donc pas certain que ma réponse soit adaptée.

Toujours est-il que votre mari s’est vu annoncer un cancer ; il fallait le lui annoncer ; de toute manière je me demande pour qui on prend les malades quand on se figure qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe. On lui a dit également que ce type de cancer était curable, et c’est exact. Non seulement cette forme de cancer du poumon n’a pas un pronostic aussi noir que la forme la plus courante, mais même quand on ne le guérit pas on peut arriver à une survie très prolongée dans de bonnes conditions. Cela n’en reste pas moins un cancer dangereux, et c’est ce qui vous est arrivé.

Mais vous écrivez : J’avais reçu une lettre du médecin en janvier, me disant que mon mari décéderait dans les 26 semaines. Là, je comprends moins. Il va de soi que 26 semaines est une manière de parler : cela signifie six mois. Ce que je ne comprends pas c’est qu’une compagnie d’assurances vous ait demandé une attestation mentionnant ce pronostic, et surtout qu’elle ne l’ait pas demandé à votre mari. Il me semble qu’elle a outrepassé ses droits, d’autant que s’il s’agissait de verser une rente d’invalidité la seule question qu’elle avait à se poser était de savoir si votre mari était ou non invalide, elle n’avait pas à demander si elle allait devoir la verser longtemps.

La conséquences est que vous avez reçu un choc. Or cette lettre ne disait rien de plus que ce qui avait été dit par l’oncologue : la maladie était grave, et il y avait malgré tout des raisons d’être inquiet. Ce que vous voyez là c’est que la même information agit autrement selon qu’on l’entend ou qu’on la lit. Et que les choses qu’on écrit, il ne faut pas se contenter de les écrire, il faut éviter que la personne se retrouve toute seule à les lire, il faut donc les réexpliquer avant de donner la lettre.

Bon ; toujours est-il que votre mari a eu cette consultation, au cours de laquelle il a parfaitement compris que les choses ne s’arrangeaient pas. Il a essayé de vous en parler, mais comment faire, en effet ? Et vous avez raison de dire : ce n’était pas à moi de le faire. La réponse idéale aurait été de retourner voir l’oncologue pour qu’il lui explique.

D’ailleurs la suite vous a donné raison, car vous avez bien vu que les choses n’ont pas besoin d’être dites pour être entendues. Votre mari avait parfaitement compris, il a pris ses dispositions, il vous en a parlé, que faire de plus ? Le médecins auraient pu faire davantage : quand vous écrivez : Personne ne parle de ces résultats à mon mari., la question qui se pose est simplement de savoir s’il a demandé des explications. Les médecins n’ont pas à répondre aux questions qu’on ne leur pose pas ; par contre quand le malade pose des questions il est obligatoire de répondre. D’ailleurs vous avez bien vu ce qui se passe quand on ne le fait pas ; j’en ai assez d’entendre raconter ces situations (elles existent) où le malade n’a pas supporté l’annonce d’une nouvelle grave, alors qu’on s’abstient soigneusement de rapporter toutes ces situations où, faute de cette annonce, on a laissé le malade dans un flou encore pire. Mais encore une fois, ce n’était pas votre rôle de le faire, c’était celui des médecins. Et la question essentielle demeure de savoir si on lui a menti. On peut ne pas dire les choses, cela n’empêche pas le malade de les comprendre, et dans votre récit on sent bien que votre mari avait parfaitement compris. Mais mentir est autre chose.

A lire le récit des soins qu’il a reçus, j’ai l’impression que la prise en charge a été bonne ; la seule question que je me poserais est de savoir si on pouvait faire mieux ; vous écrivez en effet : il a souffert énormément..., ce qui n’aurait pas dû se produire. J’entends bien qu’il n’est jamais facile de mourir, mais je ne saisis pas quel symptôme aura été impossible à prendre en charge dans cette évolution.

Enfin, votre dernière question :

quelques minutes avant de rendre son dernier souffle ,mon mari était sur le dos en position semi-assise, le personnel l’a couché et tourné sur le côté gauche, c’est à ce moment qu’il est décédé...

Je n’étais pas sur place, je ne peux guère vous répondre. Tout ce que je peux dire c’est qu’on ne voit pas très bien comment un simple changement de position pourrait entraîner un décès. Ajoutons que si c’était le cas, si cela suffisait, cela signifierait que le malade était si près de la mort qu’un rien aurait pu le faire basculer. Mais franchement je ne le crois pas. C’était la fin, tout simplement.

ça m’a fait le plus grand bien de vous écrire...

Il viendra un moment où vous devrez apprendre à en parler moins, à intérioriser votre voyage dans le deuil. Mais ne vous en inquiétez pas.

Bien à vous,

M.C.

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