Le diabète en fin de vie

50 | (actualisé le ) par Michel

QU’EST-CE QUE LE DIABÈTE ?

Le mot diabète vient du grec diabetes, qui signifie traverser : l’un des grands signes du diabète décompensé est le couple soif/augmentation du volume urinaire. Cela donne l’impression que l’eau passe à travers le corps sans que celui-ci puisse la retenir.

Le diabète est grave de plusieurs manières :
- A long terme il existe une toxicité du glucose, qui entraîne de nombreux dégâts, notamment sur les parois vasculaires.
- A court terme une élévation trop importante de la glycémie [1] entraîne des troubles biologiques intenses qui peuvent conduire rapidement au coma et à la mort.

L’INSULINE :

C’est une hormone fabriquée par le pancréas (îlots de Langerhans).

L’insuline [2] agit surtout en favorisant le passage du sucre dans les cellules. Du coup :
- Elle est hypoglycémiante : le sucre qui est entré dans les cellules ne se trouve plus dans le sang.
- Elle favorise le stockage des graisses : quand le sucre est entré dans la cellule, soit elle a besoin d’énergie et elle le brûle, soit elle n’en a pas besoin et elle en fait de la graisse.

Le système est autorégulé de plusieurs manières ; nous n’en citerons que deux :
- Toute élévation de la glycémie entraîne une sécrétion d’insuline, ce qui maintient une glycémie stable.
- Quand malgré tout la glycémie s’élève trop (plus de 1,6 g/l chez le sujet non insuffisant rénal), alors le rein réagit en laissant passer le sucre : il y a une glycosurie.

DEUX TYPES DE DIABÈTE

Il y a deux sortes de diabètes, dont les descriptions s’opposent point par point.

LE DIABÈTE INSULINO-DÉPENDANT :

On l’appelle aussi diabète de type I, ou diabète maigre.

C’est le plus souvent une maladie du sujet jeune, dont la ou les causes restent à découvrir.

Dans cette forme le pancréas ne sécrète plus (ou pas assez) d’insuline. Ce manque d’insuline entraîne :
- Une hausse de la glycémie.
- Une baisse du poids, car le fonctionnement des cellules se trouve désorganisé.

Le seul traitement possible est l’insuline, qui va permettre de normaliser la glycémie et de faire grossir le patient.

LE DIABÈTE NON INSULINO-DÉPENDANT

C’est le diabète de type II, ou diabète gras.

Il s’agit d’une maladie de la maturité, et dont le mécanisme essentiel est l’insulino-résistance : le pancréas sécrète assez d’insuline, mais un trouble de la perméabilité cellulaire empêche cette insuline de faire pénétrer le sucre dans la cellule, d’où une augmentation de la glycémie et une hypersécrétion d’insuline (inefficacité de l’insuline).

L’une des principales causes de cette insulino-résistance est la surcharge pondérale ; mais il y a un cercle vicieux, car l’excès d’insuline favorise le stockage des graisses (avec une élévation du poids).

On dispose de plusieurs armes thérapeutiques.

- La première chose à faire est de perdre du poids.
- L’insuline : elle est inadaptée car elle fera grossir ; on ne l’utilise que dans des cas très particuliers.
- Les sulfamides stimulent la sécrétion d’insuline par le pancréas.
- Les biguanides aident l’insuline à pénétrer dans la cellule.
- Les nouveaux antidiabétiques agissent un peu comme les biguanides.
- L’acarbose bloque l’absorption digestive du glucose.

QUELQUES CONSEQUENCES IMMEDIATES POUR LES SOINS PALLIATIFS

LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT :

Assurer le confort :

Quand il n’y a pas d’insuline, le sucre a beaucoup plus de mal à pénétrer dans les cellules ; il n’y a guère que les cellules nerveuses qui soient capables capter le glucose même en l’absence d’insuline. Il s’ensuit que l’un des signes essentiels du diabète est la fatigue. Rien que pour cette raison il est utile de traiter le diabète en fin de vie.

D’autres symptômes peuvent être améliorés par le traitement :
- La fuite rénale du glucose entraîne une une augmentation du volume urinaire, qui peut être source d’inconfort, tout comme la soif qui est la conséquence de cette fuite d’eau.
- Les troubles de l’hydratation entraînent souvent des troubles de la conscience, une confusion mentale.
- Il n’est pas rare d’observer des troubles digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales.
- Mais pour peu que le malade ait encore quelques semaines devant lui, le traitement de son diabète peut avoir un effet bénéfique, par exemple sur certaines douleurs neurogènes.

Eviter le coma diabétique :

Même en toute fin de vie, il n’est pas éthiquement acceptable de se résigner trop vite à un décès par coma diabétique. En lui-même il est probable que le coma diabétique est assez confortable, mais il faut de solides raisons pour conclure que le moment est venu de ne plus chercher à l’éviter, d’autant que les moyens à mettre en œuvre ne sont pas très compliqués.

Eviter l’hypoglycémie :

C’est en pratique l’un des points majeurs : car l’hypoglycémie est très inconfortable, et elle résulte presque toujours d’une erreur de prise en charge. L’hypoglycémie se manifeste par :
- Un malaise.
- Une fatigue.
- Des troubles psychiques.
- Des sueurs ; la présence de sueurs n’est jamais un signe d’hyperglycémie, car celle-ci entraîne une perte d’eau qui diminue la transpiration ; il arrive que des malades en hyperglycémie suent, mais les deux phénomènes ne peuvent, par définition, être liés.

SURVEILLER LE DIABETE :

On a dit qu’en fin de vie on n’allait pas chercher à bien équilibrer le diabète, car le malade n’a plus le temps de faire des complications chroniques. La question ne pourrait se poser que pour le malade qui voudrait absolument continuer à se soigner comme avant. On a donc besoin de savoir :
- Si la glycémie ne devient pas beaucoup trop élevée ; il faut garder en tête que le coma diabétique ne se déclenche que pour des glycémies supérieures à 4 g/l, et à condition qu’elles durent plusieurs jours.
- Si la glycémie ne devient pas trop basse.

Outre la surveillance clinique, qui dépistera les symptômes dont on vient de parler, on dispose de deux moyens :
- La glycémie capillaire.
- La bandelette urinaire.

La glycémie capillaire est nécessaire chaque fois que l’on suspecte une hypoglycémie [3]. Par contre elle n’a aucun intérêt pour la surveillance des hyperglycémies : le premier signe d’hyperglycémie importante est la fuite de glucose dans les urines. Il n’est donc pas légitime de faire une glycémie capillaire si on n’a pas d’abord réalisé une bandelette [4] : si la bandelette ne montre pas de glucose dans les urines, alors on sait que l’hyperglycémie n’est pas dangereuse. On peut même affirmer qu’en fin de vie la vieille notion de "glycosurie de sécurité" retrouve toute sa pertinence, et que la meilleure stratégie est de viser une glycémie qui laisse une + de glucose dans les urines : on sait alors que la glycémie est suffisante pour mettre à l’abri de l’hypoglycémie, et qu’elle n’est pas suffisante pour menacer d’un coma.

La clé de la surveillance est donc la bandelette urinaire. Il n’y a pas de justification à piquer les doigts des malades en fin de vie quand on peut faire autrement (et quand ils ne le demandent pas).

La bandelette surveillera également :
- Les corps cétoniques : le malade en fin de vie mange peu, et il est normal de trouver de l’acétone dans ses urines ; mais si on n’en trouve pas, on sait qu’il n’y a pas de risque de coma hyperglycémique.
- La densité urinaire : Si elle est basse, et si le sujet n’est pas trop âgé, le risque de déshydratation n’est pas majeur.
- Les protéines, le sang : leur apparition pourrait signaler une insuffisance rénale qu’il faudra alors prouver car elle modifierait considérablement tout ce qui vient d’être dit.

TRAITER LE DIABETE EN FIN DE VIE :

Le seul traitement logique est l’insuline.

Les biguanides sont contre-indiqués chez le malade en fin de vie, notamment en raison du risque d’acidose lactique, qui est une complication dramatique et qui survient chez le malade affaibli.

Les sulfamides exposent au risque majeur d’hypoglycémie, et contrairement à celles induites par l’insuline ce sont des hypoglycémies profondes, durables, fluctuantes.

Qui plus est, l’insuline est de loin la plus efficace pour lutter contre l’asthénie.

Sauf si le malade s’y oppose, on traitera donc toujours par insuline, et en une seule injection de forme retard.

Naturellement on ne proposera aucun régime.

On commencera l’insuline prudemment : il faut se souvenir que l’hyperglycémie freine l’action de l’insuline, ce qui fait qu’il est naturel de voir que les premières doses sont inefficaces. Mais il ne faut pas pour autant se presser pour augmenter la posologie : car au bout de quelques jours de patience on voit que la glycémie baisse, et que cette baisse s’auto-entretient : la même dose devient de plus en plus efficace, et si on a augmenté trop vite on aura systématiquement une hypoglycémie.

Les ajustements se feront très lentement, et toujours en se basant sur la bandelette. Sauf demande du malade on ne fera de glycémies capillaires que dans deux cas :
- Si la glycosurie est majeure, signant un risque de coma diabétique.
- Si elle disparaît, faisant courir un risque d’hypoglycémie.

Le coma chez le diabétique :

Il faut d’abord penser à l’hypoglycémie.
Si la bandelette est infaisable, ou s’il n’y a pas de sucre, alors on vérifie par une glycémie capillaire. En cas d’hypoglycémie :
- Si on a un abord veineux, il faut injecter 40 ml de glucosé à 30%.
- Si on n’a pas d’abord veineux, il faut du glucosé isotonique en sous cutané et du glucagon, mais ce dernier ne sera pas toujours efficace (malade épuisé, insuffisance hépatique...).

Si ce n’est pas une hyperglycémie, et si on considère qu’on n’est pas dans une situation agonique, alors il faut avant tout :
- Réhydrater, et massivement ; cela suppose que la fonction cardiaque ne soit pas trop dégradée. Ce serait l’une des rares indications de la sonde gastrique, qui permet de passer en quelques heures 3 à 5 litres d’eau.
- Insuliner, et rapidement, à l’insuline ordinaire intraveineuse.

Notes

[1Pour une meilleure compréhension de ce texte on peut conseiller au non-professionnel d’admettre que les mots de "sucre" et de "glucose" sont synonymes ; le taux de sucre sanguin est la glycémie, le taux de sucre urinaire est la glycosurie.

[2On supplie les diabétologues de ne pas lire ce texte, dont les données sont terriblement schématiques.

[3D’ailleurs une règle trop souvent oubliée est de considérer que tout coma est une hypoglycémie jusqu’à preuve du contraire ; tout coma impose donc de réaliser une glycémie capillaire et, si elle n’est pas possible, d’injecter du glucosé hypertonique : cela n’aggrave pas les comas d’autre nature, cela reste une goutte d’eau dans la mer en cas de coma hyperglycémique et cela sauve la vie du malade en cas d’hypoglycémie

[4Et celle-ci peut être réalisée sans problème par essorage de couches : les objections (erronées) qu’on peut émettre pour le dépistage des infections ont évidemment encore moins de sens ici.