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En réponse à :

dignité, suicide, euthanasie : un débat prometteur

, par Michel

Bonjour, et merci de ce long message.

Essayons donc d’y répondre le plus complètement possible.

Et commençons par le début : l’article auquel vous faites allusion s’appelle « L’ADMD et le ridicule » ; il se rapporte à deux prises de position de M. Romero au sujet de faits qui, à l’époque, étaient d’actualité. Et il s’agit d’un commentaire de ces deux prises de position.

Ce que je remarque, c’est que je n’ai reçu aucune réponse qui reprenne ces deux faits, et qui en conteste mon analyse. Un seul correspondant m’a écrit pour me dire que M. Romero n’engage que lui, ce qui d’une part me semble un peu léger, d’autre part me laisse entrevoir que ce correspondant n’approuve pas entièrement ces prises de position. Alors en guise de préliminaire, je veux vous demander ce que vous en pensez vous-même. Car si on ne détruit pas mon argumentation sur ces deux faits et ces deux prises de position, alors je la conserve. Et c’est important. Car le but de mon article était de montrer que le président de l’ADMD est prêt à tout pour faire avancer sa cause, y compris l’absurdité et le ridicule ; et la mauvaise foi.

Or ce point m’importe parce que les questions sur lesquelles nous nous opposons exigent une absolue transparence et honnêteté intellectuelle. Pour cette raison je vous réitère ma demande : que pensez-vous de ces deux prises de position de M. Romero ?

Ce point rappelé, allons un peu plus loin.

Il ne vous a pas échappé que je tiens à faire une distinction soigneuse entre l’euthanasie et le droit au suicide. Nous pouvons débattre du bien-fondé de cette distinction.

S’agissant de l’euthanasie, il ne vous a pas échappé que je suis résolument contre. Mais de cela nous pouvons débattre.

S’agissant du droit au suicide, il ne vous a pas échappé que je suis nettement plus nuancé. Je soutiens qu’il existe des arguments philosophiques forts contre ce droit, mais nous pouvons en débattre. Quant à une loi sur ce sujet, je mets quiconque au défi d’écrire un texte qui, eu égard à la complexité de la problématique du suicide, ne soit pas totalement irresponsable. Mais nous pouvons en débattre, et je veux bien étudier n’importe lequel de ces textes ; ce n’est pas en tout cas le contenu de la proposition rituellement déposée chaque automne par deux ou trois parlementaires qui va me persuader de mon erreur. Mais voyons.

Voulez-vous que nous discutions dans ce cadre ?

Je vais en attendant répondre à votre mail au fil de la plume. Je n’aime pas cela, car c’est un procédé discourtois, et qui ne permet pas d’aller au fond des choses ; mais essayons tout de même.

oui, j’ai déjà lu le "ridicule" de l’admd... c’est ancien... celui qui écrit cela se rend lui-même "ridicule"...en tout cas fait preuve d’une méchanceté et d’une intolérance grande

Pardonnez-moi, mais pouvez-vous argumenter ces points ?

oui je persiste à dire que l’essentiel est que la loi admette : QUE CERTAINS PRÉFÈRENT LA MORT À UNE LONGUE AGONIE, l’agonie ne se réduisant pas aux quelques heures avant la mort, mais malheureusement pouvant durer des mois

Le terme d’agonie est d’abord un terme médical, qui a sa définition. Cette définition exclut qu’une agonie dure au-delà de quelques demi-journées ; certes, c’est beaucoup, mais cela implique que l’état du malade nous autorise à utiliser des moyens qui permettent d’en faire autre chose qu’un calvaire. Je propose donc que nous n’utilisions ce terme d’agonie qu’avec prudence. Cela dit, et quel que soit le terme, je crois comprendre ce dont vous parlez ; n’oublions pas que ma seule légitimité, si j’en ai une, me vient du fait que j’ai eu l’occasion d’accompagner un bon millier de mourants. Ces mois de souffrances, je vois ce que c’est, et je vous accorde sans peine que cela ne doit pas se produire, qu’on ne doit pas le laisser faire.

(5 mois pour ma grand-mère, qui réclamait chaque jour la piqûre qu’elle avait toujours fait faire à ses chats et à ses chiens, par compassion)

Je ne parlerai pas de votre grand-mère : on ne peut parler que de ce qu’on a vu. Tout ce que je peux dire c’est que, chaque fois que j’ai été confronté à de telles situations, nous avons trouvé une solution qui satisfaisait le malade. A condition de savoir aller jusqu’à l’acceptation du refus de soins et de procéder à l’accompagnement adéquat. Par ailleurs il y a des gens qui, bien que n’étant pas à l’extrémité, réclament de mourir. Il s’agit là d’une problématique d’aide au suicide, non d’euthanasie. Nous devons donc reprendre cette discussion dans le cadre du débat sur l’aide au suicide.

QUE CERTAINS MÉDECINS PRATIQUENT DEPUIS LONGTEMPS L’EUTHANASIE, DE MANIÈRE CLANDESTINE, DONC NON CONTRÔLÉE, AVEC DES EXCÈS qui amènent d’ailleurs des adhérents admd lorsqu’on a euthanasié un parent sans que nul ne soit au courant, ni de la mort très proche, ni d’une volonté exprimée par la personne : euthanasies pratiquées le vendredi soir pour faire la place pour les accidentés du WE (subis par de nombreuses infirmières, obligées d’obéir au patron), euthanasies pratiquées pour des motifs économiques plus ou moins avouables, sous la pression de l’un ou de l’autre... alors oui, IL FAUT QUE LA LOI RECONNAISSE QUE L’EUTHANASIE EXISTE ET QUE LA LOI L’ENCADRE, SEUL MOYEN DE SE PROTÉGER CONTRE DES EUTHANASIES ÉCONOMIQUES INHUMAINES, SEUL MOYEN D’EMPÊCHER LES DÉRIVES ACTUELLES !

Je n’ai pour ma part jamais été confronté à des euthanasies économiques. Je me demande simplement, si elles existent, comment une loi va en diminuer le nombre : s’il faut faire de la place on en fera : que l’euthanasie soit interdite ou que l’euthanasie non autorisée soit interdite, l’euthanasie économique saurait s’échapper de la loi.

Par contre j’ai vu des euthanasies pratiquées par des équipes dépassées par leur propre souffrance. Celles-ci ne diminueront que par la formation et le soutien des soignants, non par une loi dont on ne voit pas ce qu’elle y changerait.

on y vient doucement, RESPECTER L’AUTRE D’ABORD, pas très à la mode certes malheureusement, mais... COMBIEN AVEZ-VOUS LU DE DIRECTIVES ANTICIPÉES ? TRÈS PEU, JE PENSE,

Je crois que vous auriez des surprises.

Non seulement j’en ai lu, et pas mal, mais je ne suis fait une règle d’en préconiser la rédaction chaque fois que l’occasion s’en présentait ; j’ajoute que je les ai toujours tenues, une fois rédigées, comme un guide auquel je devais me soumettre, sauf circonstances exceptionnelles.

CAR LA PLUPART DES GENS IGNORENT CETTE POSSIBILITÉ : DONNER SON AVIS SUR SA VIE, JUSQU’AU BOUT : préférence pour la prolongation même désespérée, préférence pour la souffrance, ou au contraire, préférence pour une mort plus rapide, lorsque la nature fait traîner les choses, préférence pour une souffrance minimale, préférence pour la sédation terminale, euthanasie lente, que préfère la loi Leonetti, lorsqu’on est au bout de la vie, ou préférence pour une euthanasie rapide, ou auto-délivrance si c’est encore possible

Je n’ai jamais lu de demande d’euthanasie dans les directives anticipées que j’ai eues à connaître. Il est vrai qu’elles étaient rédigées par des malades en fin de vie. Je me suis naturellement demandé ce que je ferais si cela m’arrivait. Et d’une manière très provisoire, car on ne peut parler que de situations réelles, je crois que j’aurais expliqué à mon interlocuteur que je n’y souscrirais pas, mais que j’étais prêt, si nécessaire, à rechercher avec lui un médecin qui ne partage pas mon point de vue : on ne peut bâtir un contrat de soins avec un tel désaccord, et mon devoir aurait été de trouver pour ce malade une autre équipe. Comment aurais-je fait ? je ne sais pas, cela ne s’est jamais produit ; je n’aurais pas eu de scrupules à renvoyer mon patient sur l’ADMD.

lorsque vous dites qu’ON PEUT SOULAGER TOUTES LES SOUFFRANCES, VOUS SAVEZ BIEN QUE C’EST FAUX : tous les jours, je reçois des appels désespérés de gens qui souffrent physiquement, malgré les centres anti-douleurs qu’ils fréquentent...

Non : c’est vrai. Le prix peut en être très lourd, ce peut être notamment une sédation. Mais on peut. Simplement les malades qui fréquentent les centres anti-douleur sont très rarement en toute fin de vie, ce qui fait que leur demande est une demande d’aide au suicide, non d’euthanasie.

et je ne parle pas des souffrances morales... que vous ayez peu lu de directives anticipées demandant l’euthanasie ne m’étonne pas : d’abord, CES DIRECTIVES FONT PARTIE DU DOSSIER MÉDICAL et en tant que kiné, vous ne devriez pas y avoir accès ?,

Pardonnez-moi encore, mais… m’avez-vous lu ? je ne suis pas kiné mais médecin gériatre spécialisé en soins palliatifs.

ensuite, TRÈS PEU DE GENS LES ONT ÉCRITES : RÉFLÉCHIR À SA MORT, AU FAIT QUE NOUS SOMMES TOUS MORTELS, À TOUT ÂGE, QUE LA MORT PEUT NOUS MENER À DE LONGUES AGONIES, N’EST PAS ENCORE ENTRÉ DANS LES MOEURS, on prévoit plus facilement son héritage que la fin de sa vie...

je vous ai répondu plus haut : j’en ai lu bien plus que vous ne pensez, et je les ai toujours scrupuleusement respectées.

tous ne veulent évidemment pas d’une euthanasie (2% des mourants environ dans les pays qui l’autorisent), c’est normal : le poids des religions est encore important, même pour ceux qui s’en sont éloignés, et le christianisme prône la souffrance dans la naissance comme dans la mort on a accepté d’aider les femmes à accoucher sans souffrir on n’est pas encore prêt à accepter la mort sans souffrances, mais la société y viendra,

Je suis prêt à vous parler du christianisme. Cela risque d’être long, tant les idées sur ce point sont fausses. En tout cas le mien ne parle pas de la souffrance ; je déteste la souffrance, et c’est pourquoi j’ai fait mon métier de son soulagement. Quant au fait que la société y viendra, je le sais bien, hélas. C’est même la gauche (ma gauche) qui le fera. Je dis simplement que notre société n’imagine pas le prix qu’elle en paiera. Et je ne veux pas de ce prix : Elle se disloque bien assez vite comme ça.

forcément à moins que des guerres mondiales ne noient le problème avec des morts de la guerre... il est vrai que nous sommes la première génération en Europe à avoir peu souffert de la guerre, puisque les guerres se font ailleurs que chez nous certes, quelques militaires français sont morts là ou ailleurs, mais ce sont des professionnels de la guerre, les risques du métier... la population civile n’est pas touchée, comme dans d’autres pays, où le souci principal des gens est de ne pas mourir ni de faim, ni de froid, ni sous les bombes ou les fusils... nous sommes certes des privilégiés, en Europe...

Je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point. Mais je ne vois pas le lien avec la problématique de l’euthanasie.

loin des guerres, et le problème des prolongations de vie inutiles

Que voulez-vous dire ? Vous m’inquiétez.

(sauf pour la recherche scientifique : les vieux ou les incurables servent de cobayes, bien souvent sans le savoir..., cela sert l’industrie pharmaceutique...)

Sur ce point je serais bien en peine de trouver des faits. En avez-vous ?

et remplies de souffrances (parfois plus morales que physiques) est le problème des pays riches... est-ce une raison pour préférer l’acharnement thérapeutique, encore pratiqué couramment, et la souffrance ? POURQUOI LA LOI PERMET-ELLE LA PRATIQUE DE L’ACHARNEMENT THÉRAPEUTIQUE ?

La loi du 22 avril 2005 proscrit clairement, au contraire, l’acharnement thérapeutique. Le problème est que les limites de cet acharnement sont bien plus difficiles à poser que vous ne me semblez le croire. Cette question a fait partie de ma pratique quotidienne pendant suffisamment longtemps, surtout en gériatrie.

parce seul le médecin qui la pratique en est juge ! juge et partie ! ça ne va pas ! un léger progrès, puisque depuis fin 2009, un autre (personne de confiance, à défaut, membre de la famille) que le médecin peut demander la réunion de l’équipe pour dire s’il y a ou non "obstination déraisonnable"...

Cela ne date pas de fin 2009 mais du 4 mars 2002.

mais quels soignants accepteront de contredire ouvertement le grand patron, à l’hôpital ? Peu sans doute... au risque de perdre leur travail...

Les choses ne se présentent pas ainsi : dans un hôpital public le chef de service n’a aucun moyen de décider de la carrière des autres professionnels. Mais cela certes ne suffit pas à permettre à chacun de contredire facilement l’autorité du « grand patron ». Tous ceux que j’ai croisés ces quinze dernières années, en tout cas, étaient bien plus ouverts à la discussion que vous ne l’indiquez ; je dirais même que c’est bien plus commode pour un chef de service de partager le poids de cette responsabilité, et j’en ai vu plus d’un se retrancher derrière l’avis de l’équipe, même quand il y avait de solides raisons de penser que c’était la souffrance de l’équipe qui parlait, ou celle de l’entourage, mais pas celle du malade.

alors POUR PROUVER CET ACHARNEMENT, SEUL LE PROCÈS EST POSSIBLE... (déjà gagné !) dur pour les proches de faire un procès pour demander au médecin l’arrêt des soins inutiles...

Mais vous me parlez là de l’acharnement thérapeutique, ce qui est encore une autre question. Nous pouvons en débattre aussi ; provisoirement je rappellerais tout de même que c’est le plus souvent une question terriblement compliquée ; quand elle ne l’est pas, alors cet acharnement thérapeutique est une simple faute professionnelle ; et je souhaite que se multiplient les procès dans cette matière, seule façon d’avancer un peu. Simplement nous ne sommes pas là dans la question de l’euthanasie : l’euthanasie n’est pas la réponse à l’acharnement thérapeutique. Entre les deux il y a le bon sens et la bonne pratique des soins.

A vous lire,

M.C.

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