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En réponse à :

Un enfant en état végétatif chronique

, par Michel

Bonsoir, Judith, et merci de votre commentaire. Vous ne sauriez croire combien il vient à point nommé.

Non que je me laisse griser par votre enthousiasme, car je ne crois pas le mériter ; d’ailleurs, auriez-vous raison que je n’aurais rien fait d’autre que mon boulot d’humain. Mais c’est bien là, justement, que votre message me réconforte. Car depuis bien longtemps maintenant je suis très inquiet, et cette inquiétude a été jusqu’à me faire sérieusement songer à fermer ce site. Un peu parce que je n’ai pas assez de temps à y consacrer, mais bien plus parce que je me demande quelle est la valeur de ce que je fais, et que je suis hanté par les risques que je prends, ou plutôt (car personnellement je risque bien peu) que je fais prendre. J’ai publié il y a peu un article intitulé « Accompagner sur Internet ? », dans lequel j’essaie de poser le problème, et je cherche, mais sans grand succès, des regards objectifs, des critiques, des conseils.

Car le projet, effectivement, est assez nouveau.

Quand on lit l’histoire de Nicole, on a immédiatement envie de l’aider ; on se dit qu’on ne peut pas rester impassible et lui donner de sages conseils. Et nous savons d’expérience quel piège cela constitue. C’est pourtant ce qui m’a poussé à agir comme j’ai fait. Première anomalie.

Quand Nicole m’a envoyé son premier message, la question posée était celle d’une euthanasie. Bien sûr j’ai tout de suite compris que nous n’allions pas rester dans le débat philosophique ; mais je ne m’attendais nullement à ce qui allait se passer, et elle non plus sans doute ; il faut se demander ce que cela implique ; car même si j’essaie de me garder de toute incursion dans la psychothérapie, ce que je fais n’est pas neutre psychologiquement, et cet accompagnement psychologique n’a à aucun moment fait l’objet d’une décision formelle.

Et bien entendu je parle à des gens que je ne connais pas, à propos de situations que je ne connais pas, et j’interfère (c’est explicite dans les propos de Nicole) avec le fonctionnement d’une équipe soignante qui ne m’a rien demandé. Et bien entendu je n’ai aucune indication non-verbale.

Etc. Il y a d’autres particularités, mais celles-ci suffisent pour alerter : qu’est-ce que c’est que ce travail ? Comment le nommer, comment l’évaluer, comment le sécuriser ? Je ne prends aucun risque à prédire que la plupart des professionnels de la relation d’aide me jugeraient un fou irresponsable. Et ce n’est pas le fait que, jusqu’ici, je n’ai pas le sentiment d’avoir fait du dégât qui peut suffire à me rassurer. Votre message, oui.

Mais ne faudrait-il pas aller plus loin ?

Ce que j’essaie de faire, c’est explicitement, radicalement autre chose que du soutien psychologique. J’essaie de me rapprocher de la position du bénévole-accompagnant, même si je sais parfaitement que mes interlocuteurs, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Ou encore, je crois que mon modèle est le coryphée des tragédies grecques, spécialement chez Sophocle : le coryphée, ce personnage qui ne fait rien, qui ne participe pas à l’action, qui se borne à la commenter mais qui, la commentant, la fait imperceptiblement avancer.

Si c’est le cas, si j’ai raison de porter ce projet, alors il me semble urgent de définir quelques points incontournables pour sa validation. Par exemple, et en vrac :
1°) : Puisque je n’ai aucun moyen de savoir si mes interlocuteurs me disent les choses comme elles sont, je n’ai pas d’autre issue que de les croire sur parole (ce qui n’interdit nullement d’attirer leur attention sur les pièges dans lesquels ils peuvent tomber).

2°) : Quand une équipe soignante est impliquée, je dois m’interdire toute critique, quoi que parfois j’en pense. mon rôle doit être d’expliquer les raisonnements, et de dire dans quelles circonstances je pourrais être amené prendre les options qu’elle a prises.

3°) : Je dois toujours rappeler que je n’ai pas vu la situation, et que je parle d’un point de vue théorique.

4°) : Il faut savoir quelles limites on assigne à la dimension affective de certaines de mes phrases, que j’introduis délibérément.

5°) : Il est capital de rappeler chaque fois que c’est possible combien l’expérience de mes correspondants est celle de tous ceux qui vivent cette sorte de moments.

6°) : Peut-être faudrait-il envisager un mécanisme de supervision.

7°) : Il s’est produit qu’une autre personne intervienne. Je l’ai laissé faire (enfin, j’ai longuement étudié le contenu de ces interventions, et j’en ai bloqué une ou deux, avec l’accord de ce correspondant) :
- Parce que, dans une entreprise dont la seule justification, si c’en est une, est la pureté, il était important de ne pas tricher avec le principe même de ce site, qui est de fonctionner comme un forum.
- Parce que, de ce même point de vue, je devais considérer que ce tiers pouvait porter une parole au moins aussi utile que la mienne.
- Parce que cela permettait, précisément, de rappeler à mes correspondants qu’ils n’étaient pas dans une consultation médicale.

Voilà quelques points. En tout cas je rêve de pouvoir réunir, même virtuellement, une équipe de professionnels qui élabore quelques principes de fonctionnement. Et qui étudie, ce que je ne sais pas faire, quels sont les inconvénients, mais aussi les avantages, de cette relation sur Internet. Par rapport à une relation d’aide classique, la virtualité présente en effet des particularités sur lesquelles il vaudrait la peine de travailler.

Qu’en pensez-vous ?

Bien à vous,

M.C.

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