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En réponse à :

mouvements répétitifs

, par Michel

Bonsoir, Pascale.

J’aurais plutôt envie de vous demander de m’envoyer votre mémoire quand vous l’aurez achevé, tant le sujet est à la fois passionnant et complexe.

Du point de vue physiologique, les stéréotypies sont habituellement classées sous la même rubrique que la déambulation, et la représentation sous-jacente est que tout se passe comme si le cerveau avait besoin d’être occupé ; or le cerveau sert à penser et à bouger, donc dès que le sujet cesse de penser il se met à bouger. Il y a un cas où cela semble vrai, c’est celui de l’enfant : il y a les enfants qui n’arrêtent pas de bouger, et il y a ceux qui passent leurs journées à lire.

Le problème c’est que ce type de conception n’a rien de scientifique, et relève plutôt de la pensée magique (d’ailleurs on ne compte pas les enfants qui, Dieu merci, sont capables de faire les deux, et s’ils ne les font pas en même temps, c’est pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la physiologie). Et on ne compte pas davantage les gens qui sont capables de rester sans penser ni bouger.

Toujours est-il que j’ai fonctionné avec ce schéma pendant toute mon activité de gériatre.

Mais au fond ce n’est pas là ce qui importe : ce qui nous importe c’est la question du sens. Que disent ces stéréotypies ?

Il se peut qu’elles soient un langage, c’est-à-dire que le dément ne les choisisse pas au hasard. Il se peut à l’inverse qu’elles induisent un langage, tout comme, si je décide de me mettre à rire, je finis le plus souvent par être gai.

Il se peut aussi qu’elles n’aient aucun sens. Le problème est alors que ni nous ni le malade ne supportons l’idée que des choses pourraient ne pas avoir de sens, et que nous nous mettons à en chercher un.

Prenons un exemple : on parle de ce malade qui fugue. Mais le plus souvent ce n’est pas cela : il s’agit d’un malade qui déambule ; il marche parce qu’il a besoin de marcher. Simplement il vient un moment où il se souvient que d’ordinaire quand on marche c’est pour aller quelque part ; la question devient donc pour lui de savoir où il va ; et il invente la réponse pour échapper à l’angoisse qui naîtrait s’il s’apercevait qu’il ne sait pas où il va. Le sens ici est totalement construit pour les besoins de la cause (ce qui ne signifie pas que le sens qu’il invente ici est choisi totalement au hasard).

Plus dangereux, et je me demande d’ailleurs si Naomi Feil échappe toujours à cet écueil, le fait que si le malade ne cherche pas de sens nous allons en chercher un. Et si grande est la tentation de trouver du sens que nous allons le trouver. Simplement ce sens sera là aussi totalement construit, et il y a même des chances pour que le dément nous le... valide parce qu’il sent bien qu’il a intérêt à le faire.

Il n’y a pas à se gendarmer outre mesure contre cet état de choses : l’homme est l’animal qui donne du sens. C’est sa fonction. Tout le problème est de rester en éveil et de ne pas être trop dupe de ce que nous trouvons, ni même de ce que le malade nous dit.

Après, tout cela est à explorer. Je ne l’ai pas fait.

Bien à vous,

M.C.

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