Poster un message

En réponse à :

La "règle du double effet"

, par Michel

Bonsoir, Nicole.

Oui, c’est bien le médecin qui décide.

Après, reste à savoir comment cela s’applique.

Quand le malade est en état de faire savoir ce qu’il veut, alors il serait inadmissible que sa volonté ne soit pas respectée. La seule limite est s’il demande qu’on le tue, car pour rendre la vie digne d’être vécue, il y a tout de même d’autres moyens que de la supprimer. Et en ce qui me concerne la volonté du malade est ma loi ; ce n’est pas toujours facile à faire entendre (y compris à une équipe de soins palliatifs, qui a comme tout le monde la tentation de savoir à la place du malade) ; mais on ne saurait transiger sur ce point.

Mais quand le malade ne peut plus se faire entendre ?

On ne peut pas se contenter de lire ses volontés et de les appliquer. Bien sûr il faut les lire, bien sûr il faut les respecter au mieux ; mais c’est se moquer du monde que prétendre qu’un bout de papier va permettre d’embrasser toutes les possibilités, et qu’il ne faut pas le confronter, ce bout de papier, à la réalité telle qu’elle est ici et maintenant. Ceux qui prétendent qu’on peut le faire n’ont jamais vécu ce genre de situation.

Alors, qui va faire l’évaluation ? L’entourage, bien sûr ; la personne de confiance, encore plus. Mais tout de même l’équipe soignante n’est peut-être pas mal placée pour donner son avis. Et il faut quelqu’un qui décide. Attention : nous sommes dans le pis-aller, car la seule solution satisfaisante est d’avoir un malade qui dit ce qu’il veut. Mais le médecin, comme pis-aller, ce n’est pas forcément catastrophique. Evidemment, ça vaut ce que valent les hommes ; mais dans de telles circonstances, n’importe quelle solution ne vaudra jamais que cela.

D’ailleurs que nous dit l’ADMD ? On lui fait remarquer que, tout de même, si on ouvrait le droit au suicide à tout le monde on risquerait de se trouver en difficulté avec les malades en dépression. Et bien sûr on nous réplique qu’il y aura un examen médical, n’est-ce pas ? Mais alors, si le médecin donne un avis défavorable, il se passe quoi ? On cherche un autre médecin ? Vous voyez bien que même chez eux le médecin dispose d’un droit de veto. On ne voit plus très bien la différence avec la loi Léonetti.

Non, tout cela n’est pas sérieux.

Il s’agit donc bien de créer les conditions pour que le malade puisse vivre jusqu’au bout tout ce qui vaut la peine de l’être ; et Dieu sait s’il y en a, et de l’inattendu.

Maintenant, vous parlez de votre mère.

Je le répéterai à chaque fois : il n’est pas prudent de parler d’une malade qu’on n’a pas vue.

Cela dit, qu’il faut toujours garder en mémoire, il s’agit d’une personne âgée, qui a une maladie chronique invalidante. Elle a des troubles de la déglutition ; sont-ils liés au Parkinson ? Si oui, alors il faut craindre qu’on ne soit effectivement en fin d’évolution ; il serait intéressant de savoir si elle est encore capable de marcher. Et si le trouble de la déglutition n’est pas lié au Parkinson, alors il y a une autre pathologie, et il importe de savoir laquelle. Mais de toute manière on a affaire à quelqu’un qui a de lourds problèmes de santé.

Avant de décider de la nourrir, il faut donc se poser deux questions.
- Sait-on ce qu’elle pense de la situation ? Quel peut être son désir ?
- A-t-on un espoir raisonnable d’améliorer la situation ?
Car on ne va pas raisonner de la même manière selon qu’on envisage une alimentation artificielle temporaire ou définitive, et si on a des raisons de penser que ce qu’on va faire pour elle ne l’intéresse pas.

Supposons, ce qui est malheureusement le plus probable, qu’il n’y ait pas de perspective d’obtenir une réelle amélioration, et que la patiente ne dise rien de ce qu’elle veut.
- Il faut savoir que chez le sujet âgé dans ces conditions, l’alimentation artificielle est toujours insuffisante pour maintenir un état nutritionnel convenable.
- Il faut savoir que l’alimentation intraveineuse suppose des apports liquidiens importants, qui ne sont concevables que chez un malade dont l’état cardiaque et rénal est bon.
- Il faut savoir enfin que si on envisage une alimentation dans la durée, mettons plus de deux semaines, alors la solution la meilleure pour tout le monde est la gastrostomie, c’est-à-dire la sonde d’alimentation placée directement dans l’estomac et qui sort par la peau de l’abdomen.

Reste à décider si on le fait.

Ce n’est pas une question de confort : la quasi-totalité de ces malade n’a tout simplement pas faim ; or mourir de faim n’est un inconfort que si on a faim. Bien entendu il y a les risques propres de la dénutrition, notamment les escarres. Mais si comme je le crains votre mère n’a plus de mobilité, l’alimentation artificielle n’y changera pas grand-chose.

Donc la question se pose en ces termes. Soit on a des arguments pour penser que la situation actuelle est réversible, et alors il y a du sens à l’hospitaliser pour l’alimenter. Mais si on n’en a pas, alors il est possible qu’en effet on soit en situation d’acharnement thérapeutique ; à moins que votre mère ne manifeste le désir de vivre encore.

C’est tout cela qu’il faut évaluer. Et il y aurait du sens à la faire hospitaliser en milieu gériatrique, non pour l’alimenter mais pour faire un point exact de la situation, ce qui est un préalable à toute discussion éthique.

Je serais heureux d’être tenu au courant.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.