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En réponse à :

L’ADMD et le ridicule

, par Michel

Passionnante question, Xav.

Mais je crois qu’on peut y répondre assez simplement.

D’abord en disant que vous avez totalement raison. Il existe des gens qui décident simplement de prendre congé de la vie, et qui ne sont pas plus déprimés que vous ou moi. Ils décident lucidement qu’ils ne veulent plus vivre. Je sais que l’immense majorité des psychologues nous dit le contraire, et qu’il est toujours pathologique de désirer sa mort. Je ne suis pas d’accord. Enfin, après tout c’est une question de définition : si on dit que le désir de mort est pathologique, alors c’est réglé. Reste simplement à se souvenir que c’est ce qu’on a dit de l’homosexualité : si je décide que c’est une maladie...

Non : il est bien plus prudent et réaliste de tenir que le désir de mort n’est pas nécessairement une marque de dépression.

Mais une fois cela dit, que fait-on ?

D’abord on remarque que cela n’a rien à voir avec une problématique d’euthanasie. Car il s’agit de personnes qui ne sont pas en train de mourir, et qui ne sont pas dans des souffrances insupportables au sens où on l’entend habituellement (d’ailleurs si elles l’étaient on serait fondé à parler de dépression). L’une des escroqueries intellectuelles de l’ADMD est de mélanger délibérément la question de l’euthanasie et celle du droit au suicide. Nous parlons ici de droit au suicide.

Ce droit ne va pas de soi. Philosophiquement on peut soutenir que l’homme est un animal social, et qu’il n’est pas aussi libre qu’il le croit de disposer de sa vie. J’ai des comptes à rendre à qui m’entoure. C’est ma position personnelle, mais je comprends qu’on en ait une autre (je demande simplement si on ne commence pas à en avoir marre des dégâts de l’individualisme).

Bref il se peut que notre société décide un jour de reconnaître ce droit. Elle ferait bien de se méfier cependant : car la loi est faite pour organiser la vie de ceux qui veulent vivre ensemble. Par définition une loi qui voudrait organiser la vie de ceux qui veulent quitter cette société n’aurait radicalement aucun sens. Mais admettons.

La question devient : faut-il faciliter l’exercice du droit au suicide ? Et là, franchement, je ne crois pas.

Le médecin, lui, ne peut guère y participer. Tout simplement à cause de la dépression. La position des médecins est que tout malade suicidaire est un déprimé. Cette position est fausse, mais si je m’avise de la nuancer, je vais me trouver radicalement hors d’état de prendre en charge un déprimé. La sécurité est donc que le médecin garde cette équivalence inexacte entre suicide et dépression. Et si le sujet se fait expertiser ? Je n’y crois pas une seconde, tant est difficile le diagnostic de dépression.

Cela dit on pourrait parfaitement imaginer que la République décide de reconnaître le droit au suicide ; on pourrait alors voter une loi aux termes de laquelle tout citoyen pourrait recourir à un collège de spécialistes chargé d’attester que sa demande n’est pas liée à une souffrance physique ou psychique nécessitant des soins. Muni de cette attestation le sujet pourrait se procurer les drogues adéquates.

C’est envisageable. Pour ma part je serais farouchement contre, car je crois qu’une société qui en viendrait là scellerait son propre suicide.

Il y a beaucoup plus simple.

Les gens qui veulent ainsi, librement, j’allais dire : gratuitement, mettre fin à leurs jours, je ne crois pas qu’il y en ait beaucoup. Et c’est un contresens que de croire que la loi est faite pour traiter des situations rares.

Et se suicider, c’est très simple. J’entends : se suicider confortablement.

Mais comment faire ?

Pardon, mais cela demande moins de recherches que celles que vous avez faites pour choisir votre ordinateur. Je suis toujours sidéré d’entendre ceux de mes confrères qui se disent favorables à l’euthanasie, quand je leur demande : "Et toi, comment t’y prendrais-tu ?" me répondre : "Je n’y ai pas pensé". Alors que moi qui n’envisage nullement de me suicider, je sais parfaitement comment je ferais. Avec des produits en vente libre dans toutes les pharmacies.

Je crois donc qu’il est bien plus sage de traiter le problème en se gardant tout simplement de faciliter les choses. Si on les facilite, alors on a toute chance de pousser au suicide des gens qui n’y auraient pas recouru. Alors celui qui souhaite réellement "mourir joyeusement", comme le dit Nietzsche, a tout à fait les moyens de le faire sans problème.

Et en toute hypothèse, et même si les médecins sont très performants pour ce qui est de tuer leurs patients, en ce qui concerne le suicide on n’a aucun besoin d’eux. Je me suis toujours demandé pourquoi on tenait tant que ça à nous mêler à cette affaire. Et je ne peux me défaire du tenace sentiment qu’en fait on a besoin de nous simplement pour cautionner le désir de mort de l’autre, justement parce que ce désir n’est pas si assuré.

Et moi je peux comprendre que l’autre veuille mourir. Je peux même me dire parfois que c’est la meilleure chose qui puisse lui arriver. Mais cautionner, c’est autre chose, et ça, jamais.

Bien à vous,

M.C.

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