Bonjour, Nuitdeclipse.
Vous montrez là toute la difficulté des décisions à prendre.
Le fait que les médecins ont arrêté la morphine tend à montrer qu’ils sont sur la même ligne de raisonnement que la mienne : quand des doses convenables de morphine ne suffisent pas pour soulager un malade dont on n’a pas de raison de penser qu’il présente des douleurs exceptionnelles, la première chose à faire est de se demander si c’est bien de la morphine qu’il lui faut. C’est une erreur fréquemment observée, y compris en unité de soins palliatifs, de penser qu’il faut d’abord augmenter les doses ; cela provient du fait que nous avons été si longtemps négligents sur la douleur et timorés sur la morphine que beaucoup culpabilisent et se précipitent sur n’importe quoi. Avec en prime un petit côté superman : le bon professionnel est celui qui n’a pas peur de la morphine.
Mais par ailleurs, si nous avons du mal à évaluer sa souffrance, la vôtre est manifeste. Et il est bien difficile (est-ce seulement possible ?) de faire la part des choses, sans compter que s’il faut essayer de faire cette part des choses, cela ne dispenserait pas de s’occuper de vous.
Je suppose que le trouble de la déglutition est pris en compte : qu’on a vérifié par exemple qu’il n’y a pas de mycose digestive, et que l’essentiel du trouble est lié à son état d’épuisement. Mais c’est à voir.
Par ailleurs il parle, et même s’il y a certainement une part de confusion mentale, il dit des choses qui ont du sens. Que faire de ce qu’il dit ? C’est de la relation, c’est de la vie, il y a encore des choses à échanger ; qu’est-ce qui vaut d’être vécu ? Vous seuls pouvez le dire.
En revanche, le fait qu’il parle permet (et même impose) de prendre en compte son opinion ; il y a toujours un moyen d’éviter cette souffrance multiforme, mais le prix à payer est la sédation, c’est à dire une perte de conscience, alors justement que le malade dit et vit encore des choses. Il est donc fondamental, si on veut étudier un projet de sédation, de lui demander ce qu’il veut ; il restera après à voir si sa parole est suffisamment fiable compte tenu du trouble psychique, mais enfin c’est infiniment mieux que rien.
Je reste à votre écoute.
Bien à vous,
M.C.