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En réponse à :

La souffrance en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Delphine.

Le problème est toujours le même : le tableau que vous brossez de la situation est très dissuasif, et on comprend que vous vous posiez ce type de question. Mais il y a un hic : la violence de ce que vous vivez ne vous prépare pas à être totalement objective, et nous savons d’expérience que dans la situation où vous êtes il arrive fréquemment que les proches surestiment la gravité de la situation. Je peux donc difficilement vous donner une réponse ferme.

Cependant, si je me laisse guider par mon intuition et les indications que vous donnez, nous parlons d’un malade âgé en proie à un cancer agressif et métastasé. Vous parlez de "phase terminale". Qui en a parlé ? Dans quelles circonstances ?

Supposons que ce soit réellement le cas ; alors vous avez raison : la seule question qui se pose est celle du confort. Du coup :
- Il ne se nourrit plus, et il est illusoire de penser qu’on puisse y faire quelque chose.
-  Il est à bout de force. La fatigue est un symptôme fréquent en fin de vie ; ici non plus, je ne me ferais pas d’illusions sur l’efficacité de quelque traitement que ce soit.
- ne parle quasiment plus, le moindre mot lui coûte, Est-ce à cause de l’essoufflement ? Si oui, il faut améliorer cela. Si non, alors il n’est pas obligatoire d’agir.
- il a beaucoup d’hallucinations dues à la morphine,. Ces hallucinations sont-elles angoissantes (pour lui) ? Si ce n’est pas le cas, il faut les laisser.
- il est si faible, il dort tout le temps, même entre deux mots. Et c’est une très bonne chose.
- Régulièrement il est ponctionné mais dernièrement ce n’est plus de l’eau mais du sang que l’on ponctionne. Je persiste à penser qu’il faut être avare de ces ponctions, qui sont des gestes douloureux et qui n’ont qu’un effet très temporaire. Si on veut améliorer le confort respiratoire du malade, alors c’est sur la morphine qu’il faut jouer.
- L’équipe soignante s’obstine à le mettre en fauteuil quelques heures par jour et ça fait mal de le voir crouler dans cette position, même s’il ne manifeste pas franchement son inconfort.... Et si nous sommes en fin de fin de vie, cela n’a aucun intérêt.
- De plus l’équipe soignante nous a parlé hier de lui poser une sonde directement reliée à l’estomac pour alimenter ? Il est clairement démontré qu’en fin de vie l’alimentation par sonde gastrique n’a aucune influence sur l’évolution.
- Je me demande quel en est l’intérêt puisque mon grand père ne souhaite plus se nourrir. C’est fréquent en effet, et il faut respecter ce désir, pour de nombreuses raisons.
- Pourquoi s’acharner à prodiguer ce genre de soins ??. En effet, c’est la question.

Mais supposons que le pronostic ne soit pas aussi noir que vous le pensez.

Alors il devient légitime de se poser la question du "moyen-court terme" ; par exemple on a raison de s’inquiéter de l’alimentation. Cela ne veut pas dire qu’il faut poser une sonde : ce qu’il faut poser c’est la question, et il y a une discussion à mener, sur le plan bénéfice/risque mais aussi sur le plan éthique. De la même façon les compromis qu’on doit passez sur les ponctions pleurales ne sont pas les mêmes. Et il peut être judicieux de lever le malade, pour lui conserver un maximum de verticalité et de vie sociale.

Je crois que vous êtes dans une situation où on vous doit l’application des dispositions de la loi Léonetti. Le mieux serait qu’il y ait une personne de confiance nommément désignée par le patient lui-même (s’il n’y en a pas, gardez en tête que l’établissement avait l’obligation de proposer au malade d’en désigner une). Mais de toute manière, vous pouvez décider en famille de demander une rencontre avec le médecin en charge du service, et lui indiquer quels sont les traitements que vous jugeriez a priori disproportionnés ou déraisonnables. La balle de la décision reste dans le camp du médecin, mais il a l’obligation de vous demander votre avis, et de vous expliquer les raisons de ses choix.

Reste la question du pronostic. Vous pensez bien que je ne vais pas m’en mêler. Je note simplement quelques points.

Je me demande combien de temps cette situation va encore durer... Cette phrase est toujours très culpabilisante : c’est comme si on s’impatientait. Il faut savoir que c’est un sentiment normal, que tout le monde éprouve à un moment ou un autre ; j’ajoute que pour moi c’est l’un des signes les plus fidèles que, précisément, cela ne va lus durer très longtemps.

c’est dur de le voir dépérir plus chaque jour.... Oui, c’est dur. Il faut cependant savoir que c’est dur pour celui qui regarde. Les patients ne s’en plaignent jamais, sans doute parce qu’ils ne l’éprouvent pas ; cela fait partie des mécanismes protecteurs qui permettent de supporter la mort.

quels sont les signes qui nous permettent de voir que son départ est imminent ?. Vous en aurez quelques-uns en lisant le texte sur l’agonie. Mais...

Je vis à des centaines de kilomètres et j’aimerais pouvoir être près de lui lorsqu’il s’en ira, alors comment savoir quand le moment sera venu ? Alors vous n’avez pas de solution.

Il n’y a aucun moyen fiable de détecter la mort imminente. Tout le monde se laisse prendre à un moment ou un autre. Et dans la situation que vous décrivez, il y a trop d’aléas. Si les choses allaient leur train, avec une pente longue mais douce, il suffirait d’extrapoler. Mais l’embolie brutale ? L’infarctus ? L’hémorragie ?

Donc vous ne serez jamais assurée d’être là. Reste la vieille idée, que je partage sans pouvoir la prouver réellement : à tort ou à raison nous avons le sentiment qu’on peut quelque chose sur sa mort, de sorte que si vous devez y être les circonstances feront, mystérieusement, que vous y serez.

Je reste à votre écoute.

M.C.

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