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En réponse à :

Une mort qui ne vient pas

, par Michel

Bonjour, Josy.

Le problème de ces fins de vie interminables est sans doute l’un des plus difficiles à aborder. Mais il y a quelques points qui me semblent incontournables.

Le premier, vous le connaissez : il est toujours dangereux (en fait j’étais prêt à écrire : absurde) de faire des pronostics ; parler de "décès imminent" est un risque majeur, et pour ma part la seule formulation qui me semble adéquate est : "Nous ne maîtrisons plus rien".

Le second, vous le connaissez aussi : votre père ne souffre pas. Grossissant le trait, car je sais bien que ce n’est pas si simple, je dirais donc que le problème n’est pas chez lui, mais chez ceux qui le regardent. Toutes les questions d’euthanasie sont biaisées par cette difficulté.

Mais le troisième, c’est que la situation est normale. Il est normal que vous souffriez de ce spectacle ; et la prise en charge de votre souffrance est l’un des devoirs de l’équipe soignante. Mais la question qui se pose est de savoir comment je pourrais justifier en éthique d’intervenir sur votre père alors que ce n’est pas lui qui souffre.

Le quatrième est que le sentiment, disons d’impatience, qui vous envahit (et la culpabilité qui nécessairement en découle) est normal lui aussi. Toutes les familles confrontées à une telle situation en passent par là. Il vous faut donc accepter ce sentiment désagréable sans vous laisser impressionner par lui. La seule chose que j’ajouterais c’est que, dans mon expérience, quand les proches commencent à se demander "si ça va durer encore longtemps", c’est le signe le plus fiable que, précisément, ça ne va pas durer.

Enfin, vous vous demandez si le statu quo n’est pas entretenu par le fait que vous n’avez pas, ou pas suffisamment, fait vos adieux. C’est possible ; les professionnels des soins palliatifs le croient, et je le crois aussi, même si je sais que nous n’avons pas de preuves (comment en aurions-nous) et que notre jugement est probablement perverti par l’obsession de trouver du sens là où il se pourrait bien qu’il n’y en ait aucun. Il y a là à réfléchir, sans être dupe outre mesure.

Juste un détail encore ; vous demandez "Comment lui dire sans pleurer que nous sommes prêts ?". Je vous comprends. Mais... si vous vous autorisiez à pleurer ? De deux choses l’une en effet : ou bien votre père n’est plus en état de ressentir ce qui se passe, et ce que vous direz et ferez n’est pas d’une grande importance, ou il est en état, et alors n’est-il pas venu le temps des larmes ?

Je vous souhaite tout le courage du monde dans cette épreuve.

Bien à vous,

M.C.

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