Poster un message

En réponse à :

La méthode Gineste-Marescotti

, par Lagneau

Bonjour,
Merci pour votre réponse. Si je résume, la "vengeance" du mot humanitude, ce serait d’envoyer les soignants non pas à la découverte de l’humanité des malades, mais sur la piste, hasardeuse et trompeuse, d’une représentation de leur humanité. Et en l’occurrence, cette représentation est bâtie sur un principe d’efficacité (trouver des points d’appui, d’accroche, d’attachement, pour communiquer avec des personnes souffrant de démence), mais pas sur l’expérience d’être humain quand on vit avec une démence ou avec un handicap.
Si je vous suis, la méthode GM serait une technique, la meilleure qui soit actuellement, pour soigner une certaine catégorie de malades (les personnes âgées souffrant de troubles cognitifs), mais elle ne dit rien sur la signification de l’acte de soigner, d’où les méprises récurrentes au sujet de la "philosophie de l’humanitude".

Je mène des enquêtes dans les services d’aide et de soin à domicile, et certains ont essayé cette méthode. Les directions étaient contentes, elles avaient ainsi l’impression d’être à la pointe de ce qui se fait en matière de toilette et soins d’hygiène. Les intervenants l’étaient un peu moins, d’une part ils avaient l’impression de ne rien avoir appris de nouveau, d’autre part ils s’inquiétaient d’une remise en cause de la relation qu’ils avaient créée avec les personnes, et qui les amenait parfois à effectuer les soins d’une façon très différente. Par exemple, ils ont appris à limiter la toilette à pas grand chose, dans certaines situations où ils savent que la personne risque de se sentir agressée, ou tout simplement qu’elle n’aime pas ça. Du coup, l’hygiène en pâtit, mais c’est aussi une caractéristique du domicile : respecter le mode de vie des personnes. Et le fait est qu’il y a des gens qui vivent dans ce qui nous semble être des taudis, mais si on s’amuse à vouloir mettre leur logement aux normes de ce qui est pour nous la propreté, on va aux devants de graves difficultés. Même chose pour l’hygiène du corps. Tant que les personnes restent chez elles, ça va, mais quand elles sont hospitalisées, et que les équipes médicales découvrent que les personnes sont sales, alors qu’elles étaient prises en charge par un SSIAD, je vous laisse imaginer les conséquences terribles pour les services à domicile, à qui on reproche de ne pas être professionnel, ou pire, de ne pas traiter les personnes en humanité, alors que c’est précisément ce qu’ils essaient de faire.

Sur cette question de l’humanité, j’en suis arrivé à me demander s’il ne faudrait pas l’aborder comme une fiction. Si on dit que l’humanité n’est pas une condition (à défendre), ni un principe (à appliquer), mais une fiction, alors ce qui compte c’est de lui permettre de s’accomplir. Fiction ne s’oppose pas à la réalité ; elle la rend possible, en lui donnant une ouverture, en lui reconnaissant une diversité de sens. Et ce serait l’existence de cette fiction qui explique pourquoi l’humanité doit être reconnue, en particulier chez les personnes qui n’ont pas la capacité à en exprimer le sens. Sous cet angle, les actes de soins, les aides apportées, apparaissent comme des façons de reconnaître l’humanité des personnes, mais à la différence de l’humanitude, sans que l’on sache ou que l’on présume sa consistance, son contenu, ce qu’elle comporte comme relations avec les autres, avec son environnement, avec soi, etc. Cette manière d’envisager l’humanité n’élimine pas la question technique dans les soins, mais ce n’est pas ce qui prime, car les soins deviennent d’abord la manifestation d’une éthique de la présence à l’autre. Vous me suivez, ou pas du tout ?
Au plaisir de poursuivre cet échange avec vous,
FG

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.