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En réponse à :

La démence : généralités, suite de la conversation avec Annick et Sophie

, par Dom

Bonjour Sophie

Je ne souhaitais plus intervenir dans cette conversation, ayant dit tout ce que j’avais à dire, mais vous avez cette phrase :

"En revanche je ne partage pas votre point de vue sur la " cécité " des familles, enfin pas complètement . "

Alors j’ai envie de vous raconter une anecdote qui m’a récemment fait mal au cœur.

Pendant le temps de ma visite à ma mère, une sœur aimante est venue voir son frère (qui, un petit quart d’heure avant son arrivée, déambulait dans le "salon commun" vêtu en tout et pour tout de sa couche et d’une chaussette enfilée par dessus sa chaussure avant que les AS ne l’emmènent gentiment pour le rhabiller).

A l’évidence, il s’agit d’une famille nombreuse, assez huppée et très soudée, et la sœur en donnait des nouvelles à son frère - avec ce très petit rien de voix un soupçon trop élevée pour que toute l’assistance ne profite pas du caractère exemplaire de cette entente familiale (et plus généralement, du caractère exemplaire tout court de la famille). En particulier - puisque je ne pouvais manquer de suivre la conversation (le dialogue de sourds ?) - il est apparu que l’épouse de Monsieur (le frère) était tombée, qu’elle s’était cassé ceci ou cela, qu’elle était hospitalisée, et qu’il serait souhaitable que son époux lui téléphone pour lui dire qu’il pensait à elle et qu’il l’aimait. La sœur aimante a donc dégainé son portable, formé le numéro, papoté un peu avec sa belle-soeur, puis passé l’appareil à son frère (c’est à dire le mari, pensionnaire de l’EHPAD où se trouve ma mère, si vous suivez toujours).

Monsieur s’est alors retrouvé avec dans les mains un engin dont, à l’évidence, il ne comprenait pas l’usage. Sa sœur l’exhortait, en lui soufflant comme dans un mauvais vaudeville : "dis-lui que tu l’aimes, dis-lui que tu l’aimes", et Monsieur était visiblement perdu. Il a tenté de sauver la face en disant plus ou moins en direction du portable : "Nous sommes contents, oui, vraiment, tout le monde est content." La sœur a soufflé plus fort : "dis-lui que tu l’embrasses". Le frère : "Alors on vous attend quand vous voulez, c’est une bonne nouvelle, nous sommes très contents". La sœur s’est impatientée : "Dis-lui que tu vas venir la voir avec A. " (A., c’est un de leurs nombreux enfants). Le frère : "Tout se passe bien, on vous remercie, on est très contents."

Un vrai supplice. La sœur a fini par lui arracher le portable, a repris la conversation avec sa belle-sœur en l’assurant que G. (son frère) pensait à elle et l’embrassait très fort, puis elle a raccroché.

Quelques minutes plus tard, elle alpaguait vertement l’une des résidentes qui sortait de la chambre de son frère avec ses chaussons aux pieds, sur le mode "Ces chaussons sont à mon frère, pas étonnant qu’ils disparaissent tout le temps..." Puis, à l’adresse des AS, "Vous pourriez tout de même faire attention, c’est la troisième paire qu’on lui apporte depuis qu’il est arrivé ici...."

Si vous n’appelez pas ça de la "cécité", vous....

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