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En réponse à :

Le droit au risque chez la personne âgée

, par Dom

Annick,
encore une fois, je ne peux parler que de ma propre expérience, mais peut-être pourra-t-elle un peu vous aider dans l’acceptation de la situation dans laquelle se trouve votre père.
Dans les derniers temps de sa conscience, ma mère était littéralement terrifiée à l’idée que son incapacité croissante à vivre seule ne la conduise à finir ses jours dans ce qu’elle appelait "une maison".
Elle est passée par toutes les phases répertoriées : la colère, le déni, l’agressivité, le désespoir (ou la dépression), la prostration, le marchandage, les envies de suicide, la gratitude éperdue (envers ses aides, pas envers moi) etc. Elle s’est battue autant qu’elle a pu - il y a eu ce jour où elle est tombée de son lit, et où on a retrouvé au matin la toile du sommier de son lit arrachée, parce qu’elle avait sans doute tenté de s’y cramponner pendant des heures pour parvenir à se relever, un peu comme le renard qui ronge sa patte pour échapper aux mâchoires d’acier qui l’ont piégé - elle a pleuré, cauchemardé, erré seule dans son appartement en proie à toutes les malveillances imaginaires, elle a maigri de façon spectaculaire, et ce n’était pas faute de lui préparer des tas de bons petits plats - non, d’une part elle ne tenait pas plus d’une minute assise à table, et d’autre part elle "achetait son salut" en s’imposant un régime soupe-yaourt, comme si elle avait voulu se faire si petite devant Dieu qu’il l’oublierait dans la distribution des tourments.

Son entrée en institution a été brutale, comme souvent, et elle ne s’est pas vraiment rendu compte de ce qui se passait - au début, il s’agissait juste pour elle d’une phase de "convalescence". Et quasi instantanément, elle s’est apaisée, bercée par le rythme immuable des quatre repas par jour, par la routine des soins, par la présence permanente d’autres personnes. Il y a trois ans maintenant, et son état s’est considérablement dégradé. Mais elle ne manifeste plus aucune trace d’anxiété - on ne lui administre ni anxiolytique, ni anti-dépresseur. Je ne dirais pas qu’elle "va bien", mais avec certitude qu’elle a "lâché prise", et qu’elle se laisse porter. Elle mange bien et régulièrement, dans la mesure où on la fait manger, puisqu’elle n’en est plus capable seule, elle réagit de moins en moins à mes visites mais sourit encore quand elle voit ses petits-enfants, la coiffeuse ou la pédicure, elle n’a aucun autre trouble physique que ceux que provoque la dégradation progressive de son état cognitif - elle ne tient plus debout, elle a du mal à déglutir. Elle s’en va doucement et paisiblement vers sa fin, choyée (réellement choyée) par le staff qui apprécie sa "facilité".
Vous n’imaginez pas à quel point c’est pour moi une grâce que de la voir s’en aller ainsi, après les années d’épouvante qu’elle a traversées.

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