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En réponse à :

Le droit au risque chez la personne âgée

, par Michel

Bonjour, Anne.

La réponse que je vais vous donner, je n’en ferais pas une généralité. Je crois que, l’âge venant sans doute, j’ai perdu le goût des généralités. Je vais vous répondre sans recul, au feeling. Je vous dis ça pour vous inciter à vous méfier de mon propos.

Votre grand-mère réunit toutes les conditions pour être en grand danger. Je n’en cite que deux, évidents mais qui suffiront : la dénutrition et la chute.

Quelle idée peut-on se faire de ce qui se passe ? Je vois, comme d’habitude, trois hypothèses :
- Une démence de type Alzheimer méconnue. C’est extraordinairement fréquent parce que très longtemps ces malades portent beau. Je ne compte plus, dans mon activité libérale, les erreurs que j’ai pu commettre sur ce point parce que le temps d’une consultation (même longue) ils sauvent la face sans problème. Quand je suis devenu hospitalier, j’en ai commis beaucoup moins parce que le temps travaillait pour moi.
- Une dépression méconnue. Ne nous lassons pas de le répéter : quand on suspecte une démence, la première chose à faire est de prescrire un antidépresseur, seule manière d’éviter les erreurs.
- Une autre pathologie psychiatrique du grand âge.
Je garde pour moi ma vieille rengaine : il y a abus de langage à chercher un Alzheimer à 92 ans, comme si à cet âge on n’avait pas le droit de ne plus avoir envie de penser, surtout si, à part la mort, on n’a pas grand-chose à penser.

Son refus de se faire aider s’interprète toujours de la même manière : le déni. Mais je vous fais observer que la condition première pour dénier est de savoir, même confusément, qu’il y a quelque chose à dénier. Tout comme, si elle refuse les aides, c’est avant tout parce qu’elle sait bien ce qui va se passer si elle laisse quelqu’un d’autre mettre le nez dans ses affaires.

Alors que devez- vous faire ?

Je ne pourrais répondre à cette question qu’en faisant connaissance de votre grand-mère. Car du point essentiel nous n’avons pas parlé : qu’en est-il se sa liberté ? C’est une dame qui va dans le mur ; vous m’annonceriez une bonne nouvelle en me disant qu’elle a passé Noël sans encombre. Mais j’espère bien que quand j’aurai 92 ans on respectera mon droit de me laisser mourir de dénutrition si je décide que je suis, comme dit la Bible, chargé d’ans et rassasié de jours. La seule question qui se pose est donc de savoir si elle est en état d’exercer sa liberté, ou si elle est déjà tellement détériorée que parler de liberté serait simplement se moquer du monde. Et pour ça il faut faire un bilan cognitif. Son médecin ne peut pas le faire, car :
- C’est long.
- C’est assez technique.
- Je parie qu’il est victime d’un déni que j’ai bien connu et bien pratiqué : cette dame, cela fait des années qu’il s’en occupe, il a avec elle une relation forte, d’ailleurs elle est très attachante, il ne veut pas qu’elle soit démente.

Mais du coup je ne sais pas comment vous pouvez vous y prendre. Or c’est capital : il faut faire le point de ses capacités.

A moins que, mine de rien, le comportement de votre grand-mère ne soit un appel. S’agissant de sa liberté, elle rencontre là une limite : celle de sa voisine. Quand j’aurai 92 ans, mon droit est qu’on me maintienne chez moi si je le décide ; mais mon droit n’est pas que je facture cette liberté à ma voisine. Je ne compte plus les fois où j’ai eu à gérer ces malades qui à cor et à cri réclamaient leur retour dans un domicile où ils pouvaient fort bien vivre à la seule condition que les pompiers viennent le ramasser quatre fois par jour. Prenez le temps d’y réfléchir : il n’y a aucun outil juridique pour imposer quoi que ce soit, la seule solution est de passer en force (et en pleine illégalité).

Que se passerait-il si vous décidiez que la voisine va décider de se retirer (à vous d’organiser le filet de sécurité minimal, bien sûr) ?

Bien à vous,

M.C.

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