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En réponse à :

Le grabataire en fin de vie

, par Michel

Bonsoir, Colette.

Vous avez raison : la situation n’est pas très bonne.

Je dis cela toujours avec la même réserve : il est très imprudent de parler de malades qu’on n’a pas vus. Mais les éléments que vous donnez sont malheureusement très clairs.

Ce ne sont pas tellement les maladies chroniques dont elle souffre : il n’y a que la maladie de Vaquez (autre nom de sa polyglobulie) ; les autres n’ont aucune importance. Le problème est qu’elle ne se remet pas de son embolie, et qu’il y a une démence.

Et qu’elle va de plus en plus mal.

Si on voulait inverser cette tendance, il faudrait absolument la réhospitaliser pour voir s’il y a moyen d’améliorer quelque chose. Franchement je n’y crois pas une seconde, et elle est bien dans sa maison de retraite.

Il est effectivement probable qu’elle a pris sa décision et qu’elle ne souhaite plus se battre. La question est donc bien celle que vous posez : que faire pour son confort ?

Disons d’abord que ces fins de vie sont souvent bien plus paisibles qu’on ne pense. C’est un grand piège : il s’agit d’une fin de vie, cela engendre une grande souffrance pour les proches, et il est pratiquement impossible dans ces conditions qu’ils arrivent à faire le tri entre ce qu’ils souffrent et ce que le malade souffre. Mais l’observation montre que le malade souffre moins qu’on ne pense. Piètre consolation, consolation tout de même.

Essayons de préciser quelques points.

Faut-il la mettre au fauteuil ? Il se peut en effet qu’on n’en soit plus là. On le fait pour éviter les escarres ; je ne crois pas une seconde que dans cette situation cela évite quoi que ce soit. On le fait aussi parce qu’en verticalisant, si peu que ce soit, le malade, on lui permet de rester en contact avec son environnement. Est-ce utile dans ce cas précis ? Je ne sais pas. On le fait enfin pour favoriser une meilleure respiration. Cela peut être utile. Mais l’inconvénient est la fatigue. C’est à discuter avec l’équipe ; mais votre question est pertinente.

Il est possible d’améliorer son confort buccal.
- Les médicaments assèchent la bouche ; la question est de savoir si ces médicaments sont toujours nécessaires dans une perspective de fin de vie.
- Le fait qu’elle respire par la bouche est un facteur aggravant, mais pas déterminant. A moins qu’il ne s’agisse d’un simple problème de nez bouché, il n’y a pas toujours quelque chose à faire.
- Par contre il y a le problème des soins de bouche. Il faudrait mettre par principe un traitement antimycosique ; il faudrait nettoyer la bouche régulièrement, ce qui n’est pas facile et demande une formation particulière.
- Et il faut la mouiller régulièrement, ce qui se fait bien avec des sprays d’eau minérale. Le problème est qu’il faut le faire souvent, et que cela suppose quelqu’un pour le faire.

Elle ne comprend pas forcément ce que vous lui dites, mais est-ce ce qui compte ? Le plus important est qu’elle soit sensible à votre présence, et cela tient bien plus dans le ton de la voix que dans les mots prononcés.

La déshydratation n’est pas forcément un problème. Cela participe à la sécheresse buccale, mais le traitement est l’humidification, qui permet d’éviter la sensation de soif. Il ne faut pas craindre qu’elle meure de soif, c’est un fantasme : en 2003, 15 000 vieilles personnes sont mortes parce qu’elles ne savaient pas qu’elles avaient soif. D’autre part la déshydratation limite l’encombrement pulmonaire, les troubles digestifs, etc. L’eau gélifiée n’a aucun intérêt : elle est bien incapable de lutter efficacement contre la déshydratation (il en faudrait des pots et des pots), elle a un goût très désagréable, et s’il se produit la moindre fausse route, elle est bien plus dangereuse que l’eau liquide. D’ailleurs je me moque des fausses routes : dans cette situation le plus sage est de lui donner tout simplement à boire, par toutes petites quantités : elle ne va pas se noyer.

Elle ne mange plus, et c’est normal. C’est même souvent délibéré. L’alimentation n’a de sens que si cela lui fait plaisir, et il faut plutôt rechercher s’il y a encore quelque chose qu’elle aime. Je sais que les équipes tiennent beaucoup à faire manger les malades pour éviter les escarres. Mais c’est faux : contrairement à ce qu’on croit les besoins nutritionnels de votre mère sont les mêmes que les vôtres ; autant dire qu’elle se dénutrit de toute manière et que c’est mission impossible que d’essayer d’éviter quoi que ce soit. Je crois plutôt que pour les soignants c’est insupportable de rester sans rien faire, ce que je comprends.

Cela dit, que faire pour adoucir ses jours ?

Rien. Être là. Je sais que vous le faites.

Bien à vous,

M.C.

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