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Un an après

Chère Sophie (j’écris "chère", ce n’est pas seulement une formule de courtoisie. En effet, depuis que je vous lis ici, et que, de fait, nous avons installé une sorte de correspondance entre nous, j’ai fini par imaginer qui vous pouviez être, et j’aime bien ce que j’imagine : vous êtes non seulement aide-soignante, mais vous "gérez" aussi à votre domicile deux proches atteintes de démence. Vous êtes rugueuse, mais engagée, et vous essayez de vous servir de votre tête - ça me plaît. Mais je trouve que vous vous arrêtez souvent en route.)

Chère Sophie, donc.

Je vous raconte à mon tour une anecdote - dans l’EHPAD de ma mère, comme d’hab. Une première remarque : le "turn-over" des aides-soignantes, dans l’établissement où elle se trouve, est très très faible, voire nul, ce qui me laisse penser que c’est vraiment un endroit "bien". L’autre conséquence, c’est évidemment que je connais maintenant toutes les filles, et que des liens ont fini par se tisser. Un jour, l’une des aides-soignantes émerge de la chambre d’une nouvelle résidente, en larmes, en déclarant qu’elle ne veut plus s’en occuper. Elle pleure, vraiment. La nouvelle est odieuse, elle l’accuse de maltraitance, et l’a traitée de... tous les noms quand elle a voulu la mener dans la salle de bains. Elle pleure tellement que je ne trouve qu’une chose à faire : la prendre dans mes bras et la cajoler. Quand elle se calme, j’essaie de lui dire qu’elle ne doit pas écouter "les mots" qu’on lui a dit, que "les mots" n’ont plus de sens, que la nouvelle n’a plus aucune conscience de sa violence verbale... Elle me répond, ce qui me glace, que je me trompe, que pour la famille, pour ses chefs, ces "mots" seront entendus tels qu’ils sont dits, et qu’elle craint d’être accusée de maltraiter la dame en question.

J’en reviens donc, encore et toujours, au déni. Comment est-il possible que l’on accorde aux cris d’une dame qui ne veut juste pas prendre sa douche autant de "sens" ? Dans l’exemple que vous donnez, vous-même parlez de propos "obscènes" - sauf qu’il faudrait admettre que le vieux monsieur dont vous parlez a encore une quelconque perception de ce qu’il est "socialement admissible" de dire ou de ne pas dire, ce qu’à l’évidence il n’a plus. Vous commettez donc la même "erreur" que l’adorable aide-soignante que j’ai ramassée en larmes à la sortie de la chambre de la nouvelle coloc de ma mère, en oubliant que les mots n’ont plus, pour les personnes démentes, le sens que nous leur prêtons ordinairement.

J’admets que cette distanciation demande une gymnastique de l’esprit qui ne va pas de soi. Et je trouve (à titre personnel) que vous dire que vous n’avez pas à juger de l’ "obscénité" de tel ou tel propos ne vous aide certainement pas à comprendre qu’il n’est, au fond, pas question d’obscénité - car ce que vous dit le vieux monsieur, ce n’est pas obscène, c’est... désinhibé ? Peut-être que depuis qu’il est dément, il peut verbaliser le rêve que quelqu’un aurait envie de voir son c... ? Et franchement, pourquoi ne pas le laisser rêver ?

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