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En réponse à :

Les familles et la prise en charge du dément.

, par Michel

Bonjour, Valentine.

Je trouve votre message à mon retour de vacances.

Mais comment vais-je pouvoir apaiser votre inquiétude ?

Votre père souffre d’une démence fronto-temporale ; vous vous demandez depuis combien de temps elle évolue, et vous soupçonnez qu’en fait elle est plus ancienne qu’on ne pense. Ne rentrons pas dans cette discussion, qui est trop ardue pour nous : il y a des formes dépressives de démence fronto-temporale, il semble y avoir des dépressions qui évoluent vers la démence, la survenue d’une démence est une excellente occasion de déprimer… Bref, seuls les ignorants peuvent se permettre d’être catégoriques. Toujours est-il qu’il y a des raisons de penser que la démence évolue depuis un certain temps.

La démence fronto-temporale a ceci de particulier que les troubles cognitifs n’y sont pas au premier plan. La mémoire est souvent assez bien conservée, ainsi que les grandes fonctions du raisonnement et, à un moindre degré, du jugement (deux et deux font quatre, c’est un raisonnement ; deux et deux font peu de chose, c’est un jugement). Ce qui pose problème c’est, pour faire horriblement court, que le patient perd l’aptitude à tirer les conséquences de ses raisonnements. Les troubles du comportement sont donc au premier plan. Il y a une forme plutôt dépressive et une forme plus agitée, sans compter les formes mixtes. Les troubles du comportement alimentaire que vous décrivez sont tout à fait habituels.

Il n’a pas de suivi. C’est évidemment dommage, mais il faut considérer que nous n’avons pas de moyen d’action. Suivre la situation serait donc se borner à contempler, impuissants, une évolution à laquelle nous ne pouvons rien.

La question est celle du devenir. Et ce que je vais vous dire, ce sont des choses que vous savez. Au fond, pourquoi m’écrivez-vous ? Simplement parce que vous essayez désespérément de trouver quelqu’un qui vous dirait que non, les choses ne sont pas aussi graves que vous le pensez. Mais elles le sont.

Je ne voudrais pas trop m’avancer, car je parle là de quelqu’un que je n’ai pas vu. Mais il s’agit de savoir à quelles conditions votre père peut vivre chez lui. Il est fort possible qu’on en soit arrivé au point où ce maintien à domicile implique une présence massive d’aidants. J’exclus que votre sœur puisse remplir ce rôle, car elle s’y tuerait. Ce qui ressort de votre récit, en tout cas, c’est que votre père n’est plus en état de vivre seul.

S’il commence à avoir des comportements délictueux, il est impératif de demander, et en urgence, une mise sous tutelle. C’est la seule manière de dégager sa responsabilité pénale, mais aussi votre responsabilité civile, qui actuellement est engagée. Je comprends ce que cela implique, mais vous n’avez pas le choix.

Je ne prendrais certainement pas le risque de le mettre seul dans un avion : au moindre incident la personne qui aurait acheté le billet pour lui se verrait poursuivie par la compagnie aérienne.

Et pour bien noircir encore le tableau, je dois vous demander de commencer à chercher une institution qui puisse l’accueillir dans un délai raisonnable.

Mais… vous vous en doutiez, n’est-ce pas ?

Bien à vous,

M.C.

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