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En réponse à :

mon père, mon papa....

, par Michel

Bonjour, et merci de ce message.

Je suis très tenté de vous répondre directement, tant la description que vous faites est caractéristique. Mais je ne le ferai pas, car il est une règle dont je ne dois pas m’écarter : je n’ai pas vu votre père, et je ne peux donc en aucun cas prendre position sur ce qui lui arrive. Vous pensez bien que la médecine est une discipline trop complexe pour qu’on se permette de faire des diagnostics à distance.

Je vais donc me limiter à commenter ce que vous écrivez ; j’espère ainsi pouvoir vous donner quelques outils pour réfléchir.

Mon père qui va bientôt avoir 91 ans début mai, est depuis plusieurs mois dans un état lamentable, c’est des allers retour incessants entre la maison de retraite et l’hôpital...

Vous indiquez ici trois faits. je dis bien : faits ; car quand vous parlez d’état lamentable, je suis forcé de considérer cela comme une impression qu’il vous donne (et même si je vous accorde volontiers que je vois parfaitement ce que vous voulez dire, je préfère ne pas considérer cela comme un fait). Reste qu’il y en a trois :
- C’est une très vieille personne.
- Son état de santé n’est pas stabilisé, et cette instabilité dure depuis longtemps.
- Quand il va bien, il est cependant dans un état de santé qui ne lui permet pas de vivre chez lui.

On ne prend donc guère de risque à dire que c’est un patient qui va mal, et pour qui les perspectives d’amélioration sont minces. Nous sommes donc probablement face à une situation de fin de vie. D’agonie ? Je ne crois pas : l’agonie se limite aux toutes dernières heures de la vie. Mais nous sommes en fin de vie.

Il a nouveau été hospitalisé depuis hier car ses escarres aux talons et au bas du dos sont vraiment très très graves...

C’est donc probablement un patient grabataire. Mais je me pose une autre question : pourquoi cette hospitalisation ? Les soins d’escarre ne demandent pas qu’on hospitalise les malades. Quand on le fait c’est :
- Parce qu’on envisage une solution chirurgicale.
- Parce qu’on pense qu’une action sur les facteurs locaux (la circulation sanguine par exemple) a des chances d’améliorer la situation.
- Parce qu’on pense qu’une action sur des facteurs généraux (notamment nutritionnels), permettrait là aussi d’améliorer la situation.

En dehors de ces cas, l’hospitalisation a toute chance de signer le désespoir des soignants de la maison de retraite.

Ils veulent a nouveau lui faire une perfusion sanguine (il en a eu déjà 2 lors de la précédente hospitalisation le mois dernier... ils nous disent que c’est juste pour "son confort" pour finir avec moins de souffrance... mais le mois dernier cela lui a donné comme un second souffle, et nous sommes dans un cercle infernal dont nous ne pouvons pas sortir... ils prolongent la vie...

Vous décrivez parfaitement la situation ; et le problème est très compliqué.
- Je ne crois guère en effet que les transfusions soient indispensables au confort des malades, surtout dans ce cas. Le principal élément d’inconfort serait respiratoire, et si les choses en sont au point que vous dites, il y a d’autres moyens.
- Mais vous notez vous-même que la dernière transfusion lui a fait du bien, ce qui montre que d’une certaine manière les transfusions sont efficaces sur son confort.
- Par ailleurs il se peut que la dernirèe transfusion lui ait effectivement permis de vivre un mois de plus, mais un mois ce n’est pas rien, et il faut y réfléchir. Le problème qui se pose ici est bel et bien celui de l’acharnement thérapeutique, nous en parlerons plus bas.

les escarres s’aggravent... il a un staphylocoque... et tous les matin il a plus d’une heure de soins ou il a mal malgré les anti-douleur...

Là, et toujours avec d’expresses réserves, car je vous répète que je n’ai pas vu le cas, je serais plus net. Car je comprends qu’on mette en place un programme de soins agressif, avec éventuellement des douleurs plus ou moins difficiles à maîtriser ; mais on ne peut le faire que si on espère qu’on va finir par fermer les escarres. La question est donc : quelles sont les chances de fermer ses escarres, et comment compte-t-on s’y prendre ? En particulier cela suppose qu’on ait affaire à un malade dont l’état général s’améliore, ou au moins ne s’aggrave pas ; cela suppose qu’on ait affaire à un malade qui mange ; cela suppose que le malade se lève, ou ait quelque chance de se lever un jour. Si ce n’est pas le cas, la probabilité de succès me semble infime. Et alors ma pratique a toujours été de restreindre les soins d’escarres à ce qui n’est pas, ou pratiquement pas, douloureux, c’est-à-dire en pratique aux simples changements de pansements, que je faisais réaliser sous la douche pour que ce soit l’eau qui assure la chute du pansement et le minimum de décapage de l’escarre. Et si vous avez raison de penser que les escarres s’aggravent, alors la question se pose sérieusement de limiter les soins.

Le staphylocoque n’a aucune importance. Au maximum cela justifie un traitement antibiotique, non pas localement mais par voie générale.

Il est couché dans un lit sans bouger des jours il communique avec nous et des jours non, aujourd’hui pas de communication il avait les yeux ouverts,il n’a pas l’air d’avoir mal sauf lors des soins...

Vous avez là un élément de réponse à votre question sur les transfusions : si dans son état de base il est confortable, alors il est nécessaire de considérer que si les transfusions lui permettent de gagner des mois de vie confortable, elles sont légitimes. La question se limite alors à celle des escarres, et on peut s’en tirer avec une limitation des soins.

Il lui est venu depuis quelques jours des taches rouges un peu partout et surtout son nez il est rouge violacé... c’est dû à quoi ?

Je ne sais pas. Il faut le voir. Le plus souvent ce sont des modifications cutanées sans importance.

Il est sous préviscan et divers anti_douleur, il a des fuites aux valves cardiaque, il a une insuffisance respiratoire et urinaire.

Rien de tout cela ne permet de prévoir une catastrophe imminente.

J’aimerais savoir ou commence l’acharnement thérapeutique ? :

Et vous ne le saurez qu’à deux conditions :
- La première est de demander aux médecins qui s’occupent de votre père quelle est leur stratégie de soins. En d’autre termes : qu’espèrent-ils ?
- La seconde est de vous demander ce que vous pouvez savoir de l’opinion du malade. Car c’est cela qui vous manque : que dit-il ? Que disait-il ? Quelle idée pouvez-vous vous faire sur ce point, compte tenu de ce que vous savez de lui ? Je sais bien que c’est horriblement difficile, mais c’est tout de même la seule question importante, et vous ne pouvez éviter de prendre position.

Si le pronostic est mauvais, et si le malade ne souhaite pas que sa vie se prolonge dans ces conditions, alors nous sommes dans une situation d’acharnement thérapeutique.

- Faut-il refuser les perfusions sanguine ?

Oui, si vous pensez en savoir assez pour dire que votre père n’est pas d’accord avec ce projet de vie.

- Faut-il refuser que l’on lui cure les escarres tout les matins ? (on pourrait juste les nettoyer, les désinfecter ?)

Oui, si l’équipe soignante vous confirme qu’il n’y a guère de chance de fermer les escarres.

Il est tellement perfusé souvent qu’ils ne savent plus ou le piquer toutes les veines claquent maintenant.

- Pourquoi est-il perfusé ?
- Quelles sont les perfusions qui lui sont nécessaires et qui ne sont pas possibles par voie sous-cutanée ?
- Si des perfusions sont indispensables, et si la voie sous-cutanée est inutilisable (et je demande à voir), alors pourquoi ne pas lui poser une chambre implantable, comme on fait pour les chimiothérapies anticancéreuses ? Est-ce parce qu’il lui reste trop peu à vivre ? Mais si on dit cela, c’est qu’on n’a plus d’espoir...

Inutile de préciser que : entre la maison de retraite et l’hôpital ils n’ont pas de coordination entre eux comme exemple lors de son précédent retour de l’hopital à la maison de retraite les soins des escarres fait par des infirmières ont été fait sans anti douleur car pas d’ordonnance donc pas de médicaments... mon père a beaucoup souffert et il y avait sur le rapport : très très très douloureux et il y avait 5 croix... j’ai été très en colère, très choquée... pourquoi les infirmières ont continué à racler les plaies ? pourquoi ne pas avoir juste fait des soins en attendant le lendemain les anti-douleur ?

Cette absence de coordination est hélas fréquente. Et ce que vous décrivez est le tableau d’une équipe en détresse. Tout cela n’excuse rien ; je vous donne cela juste comme des clés pour comprendre.

J’aimerai pour lui que tout s’arrête c’est pas une vie d’être dans cet état...

Vous avez probablement raison. Mais vous voyez bien qu’on ne peut faire l’économie d’une réflexion sur ce que le principal intéressé peut en penser.

Pour conclure je suis outrée de voir que l’on marche sur la tête que rien ne va que personne ne se préoccupe de la douleur, que entre les services il n’y a pas de communication... je suis écoeurée, révoltée...

Il se peut que vous ayez tort. Il se peut que votre propre souffrance ne vous permette pas de voir ce qui se passe en réalité. Mais cela importe peu : il vous faut des informations, il vous faut un rendez-vous avec le médecin de l’hôpital, et il vous faut, si cela ne suffit pas, prendre contact avec le médecin conciliateur de l’hôpital pour obtenir des informations sur ce qui se passe, ce qui va se passer, ce qui peut être amélioré.

J’espère avoir été assez claire et pas trop longue dans mes explications.

Non, vous n’avez pas été longue. Ces choses-là demandent à être expliquées longuement, et je ne vois pas, dans ce que vous écrivez, un seul mot de trop.

J’attends de vos nouvelles.

Bien à vous,

M.C.

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