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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Rebekah.

Merci de ce long message, qui donne l’impression qu’une barrière vient de céder. Si c’est le cas, alors c’est une excellente chose.

Vous racontez l’histoire d’une fin de vie par insuffisance cardiaque. Il faut savoir que ces fins de vie ne sont pas les plus faciles à gérer, notamment parce que la dyspnée est un symptôme plus délicat que la douleur.

Les soins médicaux qui ont été dispensés, la stratégie adoptée, les propositions faites, tout cela est parfaitement classique et n’appelle pas de commentaire particulier.

Il y a plusieurs éléments qui expliquent que les choses auront été difficiles. Je ne peux qu’en citer deux.
- Votre mère n’a pas accepté l’ensemble de ces propositions. Il peut se faire qu’on les lui ait mal expliquées ; il peut se faire aussi qu’elle n’ait pas voulu entendre ; mais il peut se faire tout simplement qu’elle ait été quelque part très lucide, et qu’elle ait décidé qu’elle n’était pas disposée à vivre n’importe quelle vie à n’importe quel prix.
- On ne s’est pas donné tous les moyens de la soulager ; en particulier je lis qu’elle n’ a pas eu de morphine ; elle n’a sans doute pas davantage eu de sédatifs. Le problème est que si on renonce à ces moyens on va effectivement se trouver en difficulté pour traiter une dyspnée. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Il y a encore des médecins qui ont peur de la morphine. Mais il faut noter aussi que le judaïsme (comme l’islam d’ailleurs) reste souvent très rigoriste en matière de respect de la vie, et il se peut que vous ayez eu affaire à des médecins qui, pour des raisons de conscience, refusent de prendre le risque de la morphine dans ces situations.

Ces deux situations expliquent que votre récit n’est pas représentatif de ce qu’est une agonie. C’est une agonie qui s’est trouvée très perturbée parce qu’on ne s’est pas donné les moyens de la faire paisible, et aussi parce qu’on a tenté jusqu’au bout de rétablir une situation qui ne pouvait déjà plus l’être. L’aurais-je fait ? A vous lire, j’ai l’impression que non, et que j’aurais assez vite indiqué que si elle faisait un choc circulatoire (comme elle en a fait un) je ne tenterais aucune réanimation (mais peut-être avez-vous eu affaire, comme je vous l’ai dit, à des médecins qui ne pouvaient envisager cette abstention).

Alors votre sœur vous fait des reproches. C’est banal : cela fait partie du deuil que de chercher à accuser quelqu’un ; cela permet de continuer à croire qu’on n’était pas totalement impuissant. Et vous vous faites des reproches. C’est le même mécanisme. En réalité, que pouviez-vous faire d’autre que ce que vous avez fait ?

L’outil qu’il vous aurait fallu, ce sont les directives anticipées : que votre mère dise ce qu’elle voulait et ne voulait pas, quelles limites elle fixait à la réanimation. Vous auriez pu alors guider les médecins et obtenir que les dernières manœuvres, probablement tout à fait illusoires, ne soient pas entreprises.

Bien à vous,

M.C.

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