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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonsoir Daniel.

Je voudrais vous rassurer complètement. Mais il est difficile de trouver des mots qui soient à la fois totalement vrais et totalement rassurants. Pour rassurer quelqu’un qui se trouve dans votre situation, il faut tenir des propos très catégoriques, alors que, précisément, consentir à la mort de l’autre nécessite qu’on consente à le voir s’engager dans des zones où nous ne savons rien, où nous n’avons aucun pouvoir.

Mais nous avons quelques repères. Par exemple nous savons à peu près dans quel niveau de conscience il faut se trouver pour ne plus lutter contre le râle agonique. Et nous savons que dans certains comas les patients en réchappent, voire guérissent, de sorte qu’ils peuvent nous dire ce qu’ils ont vécu. Et ce qu’ils nous disent, c’est : rien. Jusqu’à preuve du contraire donc je crois que les malades qui présentent un râle agonique n’en savent rien, n’en vivent rien. Mais bien entendu c’est uniquement jusqu’à preuve du contraire.

Il est toujours très difficile de faire accepter qu’il existe une dissociation entre le caractère parfois totalement effrayant du spectacle donné par l’agonisant et la totale indifférence dans laquelle, faute de conscience, il se trouve plongé. C’est le grand malentendu qui naît souvent entre les familles et les professionnels ; je résume ce malentendu par une phrase qui m’a beaucoup servi : je n’ai jamais perdu ma femme, et j’ignore donc tout de ce que vous vivez ; mais j’ai vu tellement de maris perdre leur femme que je sais sur ces situations des choses que vous ne pouvez pas savoir.

Maintenant vous dites : Je suis sorti de la chambre très vite, après l’avoir embrassée et maintenant je regrette de n’avoir pas eu le courage de rester. Est-ce que j’aurais pu lui apporter du réconfort ?

J’ai envie de vous répondre trois choses :
- La première est que la culpabilité est un élément du deuil normal. C’est une aide (à condition de ne pas en être dupe trop longtemps). La culpabilité est un sentiment qui pousse à croire que les choses n’étaient pas inéluctables ; c’est donc un état intermédiaire entre le déni (ça na pas eu lieu) et l’acceptation (il fallait que ça se passe ainsi).
- La seconde est que si je vous disais d’un côté que votre épouse était hors d’état de sentir quelque souffrance que ce soit, et de l’autre qu’elle était totalement sensible à votre présence au point que votre absence l’aura fait souffrir, je serais dans une contradiction insupportable.
- La troisième est que nous avons tous besoin, dans ces moments, de croire à l’importance de ce que nous faisons. Et quelque chose me dit, mais c’est bien peu scientifique, que dans cet étrange moment qu’est le trépas il advient des choses que la raison ignore.

J’ai, tout cela dit, l’intuition que vous avez été totalement à la hauteur de ce qu’il fallait vivre.

Bien à vous,

M.C.

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