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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Béni.

Je comprends votre questionnement, surtout en cette période où il vous faut accepter tant de choses, récentes ou plus anciennes. Je vais donc essayer de commenter ce que vous m’indiquez comme faits, en sachant que ce sera forcément un peu limité.

L’hépatite alcoolique se comporte un peu comme n’importe quelle hépatite : une fois que le processus est enclenché, d’habitude il finit par s’améliorer et guérir, mais dans certains cas les choses tournent mal, voire très mal.

Mais j’ai l’impression que pour votre père les choses étaient nettement plus avancées, et qu’il s’agissait déjà d’une cirrhose (ceci notamment à cause du détail du Duphalac) ; il se peut donc qu’une hépatite se soit surajoutée ; c’est le cas par exemple quand le sujet se remet (ou continue) à boire. Les choses étaient donc déjà très avancées.

Effectivement, dans les cas graves, on n’a pas d’autre solution que la transplantation ; encore faut-il qu’elle soit possible, et que le patient ait totalement cessé de boire.

Les décompensations se font sous la forme d’une insuffisance hépatique, dont les manifestations les plus visibles sont les troubles du comportement, coma, agitation, délire. En soi ce n’est guère douloureux mais :
- Il peut y avoir d’autres causes de douleur (pancréatite alcoolique par exemple).
- L’agitation peut faire croire à des douleurs.

Le traitement comporte du Duphalac, seul produit agissant directement sur les troubles neurologiques, et des diurétiques quand on a des raisons de penser qu’il faut diminuer la masse d’eau présente dans le corps : un foie en mauvais état perturbe la régulation de cette masse d’eau.

La semaine dernière, son médecin soignant lui donnait 24h à vivre…

Cela confirme une fois de plus qu’on ne doit jamais chiffrer un pronostic : on n’en a pas les moyens.

Il est habituel de voir le ventre gonfler dans ces situations ; en principe c’est lié à l’accumulation d’eau dans l’abdomen. Ici vous avez eu affaire à une dilatation de l’estomac, elle-même liée en général aux conséquences neurologiques de l’insuffisance hépatique. C’est pourquoi la sonde gastrique a résolu le problème. Mais on sait que ce type de manifestation se produit surtout chez des gens qui vont très mal. On a eu raison de poser la sonde, car ces dilatations de l’estomac sont très inconfortables ; mais personne n’a pensé une seconde que cela allait modifier quoi que ce soit à l’évolution de fond.

L’insuffisance hépatique entraîne toujours des troubles de la coagulation ; par ailleurs le blocage de la circulation dans le foie fait que le sang doit emprunter des voies de circulation inhabituelles, raison pour laquelle ces malades ont presque toujours des hémorroïdes. Par ailleurs ils ont souvent des hémorragies de l’estomac ; c’est pourquoi la fin s’est produite comme vous le racontez ; c’est à la fois banal et totalement imprévisible.

Alors il reste votre question de fond : comme vous deviez vous absenter, vous avez essayé d’évaluer la situation ; vous vous êtes dit que les choses s’amélioraient, que le médecin s’était trompé. Et vous êtes partie. Et vous le regrettez.

Ce que je peux me risquer à dire, c’est que si j’avais été le médecin en charge de ce malade, et si vous m’aviez posé la question, je vous aurais répondu :
- Que je ne savais pas quand le décès allait survenir, que cela pouvait se produire à tout moment.
- Que l’amélioration que vous observiez était une fausse amélioration : le traitement des symptômes était efficace, mais rien n’agissait sur les causes.
- Que dans cette incertitude, si vous décidiez de rester jusqu’à la fin personne ne pouvait vous dire combien de temps cela allait durer.
- Que dans ces conditions le plus sage était de partir.
- Que, d’expérience, il semble que les malades soient tout à fait capables d’attendre la venue d’un proche pour quitter la vie.
- Que de toute manière ces malades sont dans le coma. Les comas ne sont pas tous très profonds, et un malade dans le coma peut très bien être sensible à son environnement ; mais tout de même il l’est moins qu’une personne tout à fait consciente. Et quand nous imaginons qu’il est très sensible à son environnement, nous imaginons ce qui nous arrange : c’est nous qui ne supporterions pas l’idée qu’en fait, dans cette terrible histoire qu’est toujours la disparition d’un être aimé, nous ne servons pas à grand-chose.

Bien à vous,

M.C.

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