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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Véronique.

Ce que vous vivez est en effet très dur.

Mais cela pose exactement le problème de l’euthanasie, du moins tel qu’il se présente en pratique.

Comme vous le soulignez, il ne souffre pas. Enfin, je me fonde sur ce que vous écrivez ; mais aussi sur ce que je peux présumer de l’action des professionnels qui s’en occupent : le malade dort. Il peut dormir parce qu’il a un traitement morphinique, mais c’est peu probable : quand on prescrit de la morphine à dose convenable à un malade qui a mal, il ne dort pas, ou alors deux ou trois jours, le temps de s’adapter. Il peut dormir parce qu’il est dans cette phase agonique ou préagonique où un coma s’installe. Mais le plus probable est qu’il dort parce qu’on l’a endormi. Dans ce cas, et toujours si les choses ont été bien faites (mais pourquoi ne le seraient-elles pas ?) la situation est équivalente à celle d’une anesthésie générale, et je ne connais personne qui conteste l’efficacité des anesthésies générales.

Le problème est que vous, vous ne dormez pas. Et que cette situation est difficilement soutenable. Et qu’on se demande quel sens cela peut bien avoir.

Seulement, voilà : la question est de savoir ce qu’il est légitime de faire au malade pour soulager une souffrance qui n’est plus la sienne.

Votre souffrance est un élément fondamental de la situation. Il n’est pas question de la négliger ; bien au contraire il faut la prendre en charge ; et ce n’est pas facile ; mais cela fait partie du travail.

Mais il y a un principe éthique auquel il serait très dangereux de déroger : je n’ai pas le droit de donner à Pierre un traitement dont il n’a pas besoin au motif que Paul a besoin que Pierre le prenne.

Question qui peut se décliner en multiples variantes : par exemple en maison de retraite les déments sont bien souvent une source d’inconfort pour les résidents lucides. Une solution est de donner des neuroleptiques aux déments pour assurer la tranquillité des autres. Mais vous voyez immédiatement que cette solution est très problématique, et qu’on ne peut la mettre en œuvre qu’avec d’infinies précautions.

Pour en revenir à notre cas, la situation serait moins terrible si on arrivait à y trouver du sens. Et je ne sais pas. Je crois qu’il y a du sens à s’abstenir d’intervenir, et à laisser le malade aller son chemin, si dur qu’il soit de le regarder ; car c’est son chemin, et il faut bien se contenter de cette seule consolation : son problème à lui est résolu.

Mais je suis bien conscient de la pauvreté de ce que je vous dis.

Une chose toutefois : vous vous demandez combien de temps cela va encore durer. Quand cette question émerge, c’est pour moi le signe infaillible, justement, que cela ne va pas durer. Parce que, mystérieusement, ce trépas est une sorte d’œuvre que vous accomplissez en commun, et ce pressentiment qui vous fait poser la question est la marque que, d’une manière qui nous échappe, vous êtes précisément ensemble.

Permettez-moi de rester silencieusement à vos côtés.

Bien à vous,

M.C.

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