Poster un message

En réponse à :

Ce qui se cache sous les masques

, par Michel

Bonjour, et merci de votre message.

Je comprends bien votre question et l’inquiétude que vous partagez avec la malade dont vous vous occupez.

Mais avant de vous répondre il faut sans doute préciser un point : il y a ce que je dirais à la malade, et il y a ce que vous lui diriez ; ce n’est pas la même chose. Il faudrait aussi en savoir davantage sur ce qu’elle a compris de sa situation et sur ce qu’elle en pense (dans la sclérose latérale amyotrophique il y a souvent des troubles intellectuels de diverses natures, qui ont d’ailleurs plutôt un rôle protecteur, leur permettant de ne pas trop penser à ce qui les attend). Enfin il faudrait connaître le stade de la maladie.

Tout cela expliqué, que peut-on dire ?

Bien sûr la crise actuelle fait que le nombre de respirateurs disponibles risque de devenir problématique : les stocks ne sont pas infinis, ils ne le seront jamais, et il va de soi que l’épidémie de coronavirus n’est pas la seule raison de mettre les gens sous respirateur. La question qui se pose donc est de savoir si, en cas de détresse respiratoire il se trouvera un respirateur disponible pour y faire face. Et je ne vais pas vous garantir que oui.

Mais raisonnons un peu plus loin. Je suppose que votre patiente n’est pas actuellement hospitalisée. Or dans la maladie de Charcot la détresse respiratoire est un mode d’évolution fréquent, mais ce n’est pas obligatoire, et surtout les détresses respiratoires brutales et inopinées restent assez rares. Il faut donc distinguer deux questions :
- La détresse respiratoire habituelle, qui est un trouble d’évolution volontiers rapide, sur quelques jours ou heures, ce qui laisse un peu de temps de réagir et de s’organiser, d’autant qu’en général, tout de même on la voit venir.
- La détresse respiratoire brutale et inopinée, beaucoup plus rare, et pour laquelle je dois vous faire observer que vous n’avez pas de solution, tout simplement parce que le patient n’a pas le temps d’arriver à l’hôpital. La seule solution est de pouvoir anticiper, soit en maintenant le malade dans un lieu sécurisé (gâchant ainsi ce qui lui reste à vivre), soit en lui mettant à disposition un respirateur en réserve, ce qui est tout sauf commode, mais surtout illusoire car on ne sauverait pas grand-monde en branchant les gens sur un respirateur sans la moindre précaution.

Ce que je suis en train de vous dire c’est qu’il y a dans la sclérose latérale amyotrophique des modalités évolutives sur lesquelles la seule solution est de faire l’impasse. Par contre si on considère les autres formes de détresse respiratoire, alors elles laissent un peu de temps pour s’organiser, et il n’est absolument pas question de se retrouver un jour dans une situation où aucun respirateur ne serait disponible pour elle ; ce d’autant plus que ce ne sont pas les mêmes matériels qui sont utilisés pour le coronavirus, de sorte que pour se trouver sans solution il faudrait imaginer une pénurie telle qu’on serait forcé de faire feu de tout bois. Nous n’en sommes pas là.

Cela, c’est ce que je vous dis à vous. Ce que je lui dirais à elle dépend bien sûr de votre relation ; je me demande si le mieux ne serait pas de lui dire que les respirateurs dont elle pourrait avoir besoin ne sont pas menacés de pénurie.

Sur la chloroquine, je ne sais pas. Mais c’est une autre question : je suppose que votre patiente se demande ce qui se passerait si elle était atteinte par le coronavirus. Ce que j’en pense vraiment, c’est que si la chose se produisait elle courrait un grand danger, traitement ou pas. Mais je ne verrais aucun inconvénient à la traiter d’office par chloroquine :
- Non que je croie à l’efficacité du traitement : je n’ai pas d’opinion. Mais dans le doute je tenterais cette chance.
- Non que je croie à son innocuité : là je suis formel, c’est un traitement risqué ; et il l’est encore plus dans la maladie de Charcot, où on peut voir des manifestations cardiaques. Mais là encore il serait légitime de prendre ce risque.

Mais avant de dire quoi que ce soit, je me demanderais pourquoi la malade pose cette question. Vous pourrez me répondre que c’est évident, mais j’y insiste. Car le fait que cette question soit posée montre qu’elle s’inquiète. Or il se produit souvent dans de telles situations que les malades posent une question comme un écran qui leur sert à ne pas s’en poser de plus terribles. Il est fréquent de les voir s’angoisser sur un point somme toute pas si fondamental que ça, ce par quoi ils échappent à des angoisses encore pire. Il vous faut donc considérer ce point, essayer de voir dans quel contexte psychologique la question est posée, et en toute hypothèse ne pas vous presser de répondre : il y a des peurs qui protègent d’autres peurs.

Je suis conscient de ne pas avoir pu répondre à votre question, mais peut-être ces quelques indications vous aideront-elles.

Bien à vous,

M.C.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.