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En réponse à :

La tutelle des personnes âgées

, par Michel

Bonsoir, Anne.

J’ai plusieurs commentaires à faire. Je vais donc, même si je n’aime pas trop cette méthode que je trouve un peu paresseuse, reprendre votre mail et répondre au fil de ma lecture.

ma maman, malade Alzheimer (depuis 2011) âgée de 87 ans,

Il est donc malheureusement assez probable que nous avons affaire à une forme assez avancée : d’un côté les démences de type Alzheimer ont tendance à évoluer moins vite chez le sujet âgé, d’un autre nous sommes à six ans d’évolution, à supposer que le diagnostic ait été fait sans retard, ce qui est rarement le cas.

vivant à son domicile veuve depuis 4 ans, est sous tutelle d’une association tutélaire depuis février 2017 suite à un gros conflit familial : 4 enfants sont pour le placement en EHPAD et 2 pour le maintien a domicile d’autant que ma mère a 312000 euros en assurance vie donc les moyens d’être chez elle avec ses deux chats de 19 ans qui lui apportent repères dans son quotidien.

Je comprends. Il faudrait seulement vérifier que c’est la seule source de conflit. Il faudrait aussi savoir comment la tutelle a été demandée, et ce que contient le jugement ; en particulier vérifier s’il mentionne une tutelle aux biens, à la personne ou aux deux.

Sur la question de l’entrée en EHPAD, c’est encore plus difficile : certes il y a des moyens financiers, et vous avez raison de considérer les risques de déstabilisation si votre mère quitte son domicile. Mais d’un autre côté cette crainte est très souvent démentie par les faits. D’autre part le fait qu’elle ait des moyens ne constitue pas le seul élément à prendre en compte.

J’estime qu’il y a eu des dysfonctionnements de la part de la tutelle au niveau de la protection de la personne de ma mère et la tutrice n’a pas su prendre les bonnes décisions pour que ma mère puisse rester chez elle en toute sécurité.

Je ne partage pas les bruits qu’on entend trop souvent sur la mauvaise qualité du travail des tuteurs, encore moins les rumeurs relatives à des problèmes d’honnêteté de leur part. Mais il ne m’a pas échappé qu’il peut y avoir des dysfonctionnements. Le principal pour moi est que les tuteurs professionnels ne veillent pas toujours assez à considérer les familles comme des interlocuteurs essentiels. Ici je crois comprendre que vos relations avec la tutrice ne sont pas bonnes. A-t-elle suffisamment tenu compte de vous ? Mais vous, avez-vous suffisamment essayé de vous entendre avec elle ?

Au niveau des aides à domicile ma mère a 4 passages des aides à domicile par jour matin midi après midi et soir et 2 passages infirmiers par jour matin et soir.

Ce n’est pas mal. Mais il faut savoir si cela suffit à assurer sa sécurité. Nous sommes tous partisans de maintenir les vieilles personnes à leur domicile ; mais je n’oublie pas que cette volonté a des limites, et que bien souvent il vient un moment où elles sont mieux en institution ; ceci est dû au fait que le maintien à domicile leur impose un effort, qui peut être terrible.

Ma mère a été hospitalisée suite à une chute fin août : ma mère n’avait plus son médicament Ebixa depuis un mois, son médecin traitant le 28 juillet l’avait arrêté du jour au lendemain car elle estimait que ce médicament (Ebixa) n’était plus remboursé. Or ma mère le prenait depuis 2011. Il agissait sur les symptômes de la maladie.

L’Ebixa est prescrit dans les démences avancées : auparavant on leur préfère les anticholinestérasiques. Si donc la prescription a suivi les règles de l’art cela nous indique que dès 2011 la maladie était jugée très évoluée. Pour ma part je n’ai jamais vu l’Ebixa être efficace pendant six ans, et le plus probable est qu’effectivement il était grand temps de l’arrêter. Mais c’est affaire de cas d’espèce, surtout qu’il m’a semblé être actif sur les troubles du comportement, et nettement moins sur les troubles intellectuels.

Ma mère est sortie le 18 septembre et les médecins ont préconisé un service de garde de nuit. Ils avaient également rendu ma mère éligible au Prado programme de retour à domicile. Le service de gardiennage de nuit où réside ma mère a envoyé un devis à la tutrice le 11 octobre or cette dernière dit qu’elle n’a pas réussi à les joindre.

Soit. Cela peut être le cas.

L’expertise par un psychiatre le 9 novembre au domicile de ma mère a donné comme conclusion que ma mère est en mesure de sortir et partir de son domicile marcher droit devant elle et mourir d’hypothermie.

C’est en effet un risque. Ce risque pouvait-il être pris ? Je n’en sais rien, c’est affaire de discussion éthique. J’ai écrit sur ce site tout le mal que je pense de l’obsession sécuritaire au sujet des personnes âgées ; cela ne veut pas dire que le problème ne se pose pas.

Or son domicile est fermé à clé par les auxiliaires de vie ainsi que le portail de la cour. De même ma mère a un bracelet de détection automatique de chute or le psychiatre indique qu’elle n’est plus en capacité de demander de l’aide.

Effectivement de bonnes mesures ont été prises. Mais sont-elles suffisantes ? Quand un dément veut sortir de chez lui il est d’une inventivité redoutable. D’autre part si les choses sont à ce point, n’y a-t-il pas au domicile d’autres dangers à considérer ? Je ne le sais pas.

Un placement en EHPAD est nécessaire et urgent or si cela avait été le cas depuis son retour à domicile n’aurait elle pas chuté ou quitté son domicile ? Or ce n’est pas le cas.

Vous ne pouvez pas raisonner ainsi : ce n’est pas parce que jusqu’ici la chance est de votre côté que cela suffit à valider un projet de maintien à domicile. Et je ne parle pas du risque pour vous : supposez que vous obteniez que votre mère soit à domicile, et que survienne un accident : comment pourriez vous assumer la guerre qui serait immédiatement déclenchée par les autres membres de la famille ?

La tutrice a demandé un placement urgent en EHPAD privé ; elle y est rentrée depuis une semaine, on ne lui a pas bien expliqué ce qui se passait.

C’est malheureusement fort possible. Mais il est possible aussi que les choses aient été parfaitement expliquées et que votre mère n’ait plus les moyens de (ou ait choisi de ne pas) comprendre.

La tutrice nous a envoyé un mail le lundi à midi pour le vendredi.

Elle ne pouvait pas forcément faire mieux : quand on trouve une place, il faut la saisir.

Le médecin traitant ne veut plus la prendre en charge ni renouveler ses médicaments.

Il semble que tout de même les professionnels sont nombreux à penser que le maintient à domicile n’était plus possible. C’est une opinion à prendre en compte.

Elle n’avait plus de traitement depuis une semaine et les analyses de sang n’étaient pas bonnes au niveau de sa thyroïde depuis le 3 novembre (TSH à 50). Elle est en danger.
L’infirmier a interpellé la tutrice en vain depuis le 15 octobre. J’ai envoyé un mail à la tutrice le 16 novembre lui demandant si un rendez-vous pouvait être pris chez l’ORL qui la suit depuis 2011 pour sa thyroïde mais je n’ai pas eu de réponse
.

J’estime que la défense des droits de la personne sous tutelle n’est pas respectée et qu’il y a eu des dysfonctionnements de la part de l’association tutélaire. J’avais indiqué en mai à la tutrice que le rhumatologue avait prescrit en février des séances de rééducation pour son cou, mais que les kinés de se déplaçaient pas à domicile. Je précise que la tutrice ne voulait pas que j’emmène ma mère chez son médecin traitant (c’est moi qui m’occupait des rendez-vous médicaux de ma mère). Au final les séances de kiné n’ont pas été réalisées. La tutrice a laissé ma mère avec ses douleurs ; je lui avais indiqué que le fauteuil dans lequel ma mère se reposait n’était pas adapté et qu’il aurait fallu que ma mère en ait un confortable acheté dans un magasin de matériel médical, elle ne l’a pas fait et cela n’arrange pas les douleurs de cou de ma mère lorsqu’elle s’endort dedans. Idem lors de la sortie d’hospitalisation, le médecin de l’hôpital avait prescrit des séances pour la marche, la tutrice n’a pas organisé le transport vers la kiné avec le service d’aide à domicile (UNA) qui officie chez ma mère.

Je crois que si les tuteurs sont à l’aise avec la tutelle aux biens ils ne le sont pas toujours avec la tutelle aux personnes ; il se peut qu’il y ait des manquements. Dans ce cas il ne faut pas hésiter à relancer la tutrice, mais aussi à en référer au Juge des tutelles. Cela ne fera pas nécessairement avancer les choses concrètement, mais il est important de mettre en évidence toutes les anomalies, dans l’espoir de créer une jurisprudence.

La tutrice n’a pas su faire avec le conflit familial et je pense qu’elle a cédé à la pression des 4 membres qui voulaient la placer en EHPAD (je précise que ce sont les enfants qui vont la voir le moins possible au domicile)

Je vous le répète : les tuteurs ne sont pas toujours assez vigilants sur ce point. Mais d’un autre côté :
- Ce n’est pas leur rôle que d’arbitrer les conflits familiaux.
- En décidant l’institutionnalisation elle a surtout écouté les avis des professionnels.
- Avez-vous suffisamment veillé à maintenir autant que possible de bonnes relations avec elle ?

Le fait que ce soient ceux qui viennent peu la voir qui soient de cet avis est malheureusement un grand classique. Mais il faut considérer aussi que c’est peut-être parce qu’ils ont du recul qu’ils en jugent ainsi.

Qu’en est-il du respect des droits de la personne vulnérable et n’y a-t-il pas des lois pour le maintien des personnes vieillissantes à domicile ?

Non, il n’y a pas de loi, et c’est heureux : que ferait une loi dans un domaine où seule doit compter la situation concrète de la personne.

Et le consentement de la personne sous tutelle ?

J’ai écrit, et je le maintiens, que quand la loi sur les tutelles dispose que c’est la personne protégée qui choisit son lieu de résidence, elle atteint des sommets d’hypocrisie : si la personne sous tutelle était capable de décider de son domicile on n’aurait pas eu besoin de prendre la mesure.

Ma mère ne veut pas aller en maison de retraite et surtout pas ne plus revoir ses animaux de compagnie.

Ma mère est certes Alzheimer mais elle nous reconnaît encore et elle peut marcher ;

Cela ne suffit pas à valider le projet de maintien à domicile. Il faudrait pour en juger des moyens que je ne peux pas avoir.

J’estime que l’échec de la mesure de protection de la personne de la part de l’association tutélaire a provoqué le placement rapide vers l’EHPAD. Les droits humains de la personne de ma mère ont été bafoués.

Je ne déduirais pas cela de votre récit : nous n’en savons pas assez pour dire qu’une autre solution était réaliste.

L’hôpital m’avait dit : on en a des personnes pires que votre maman dans notre service, certaines se déshabillent devant nous. Votre mère a des moments de lucidité, elle peut encore rester chez elle avec une surveillance nocturne.

Oui, mais les médecins hospitaliers ne sont pas les mieux placés pour juger de la réalité de ce qui se passe à domicile.

Elle ne s’échappe pas de chez elle et elle dit toujours fermez bien la porte pour ne pas que mes chats sortent. Elle y tient énormément.

C’est en effet un point important. Mais outre que cela ne suffit pas à nous rassurer, il faut considérer les autres risques. Mais nous avons déjà parlé de cette question.

Je pense que le placement en EHPAD où elle va perdre ses repères va la précipiter encore plus vers la démence ;

Il est très rare que cela se produise. Ce qui arrive c’est qu’en arrivant en institution les malades peuvent enfin poser leur fardeau, et cessent leur lutte désespérée pour sauver les apparences.

Elle a un problème cardiaque (rétrécissement aortique) qui lui limite son espérance de vie.

Effectivement on aurait pu aussi envisager les choses sous cet angle. Mais ce n’est pas facile à faire, et cela reste très aléatoire. On aurait préféré une discussion éthique réunissant tous les protagonistes. Nous n’en sommes malheureusement pas là.

Je pense que dans les conditions de stress dans lesquelles on va la mettre elle ne va pas tenir bien longtemps alors qu’on aurait pu la laisser vivre ses derniers mois chez elle (en étant bien accompagnée) surtout avec un patrimoine financier conséquent...

C’est possible. Mais le plus souvent c’est le contraire qui se passe. Et, comme je vous l’ai dit, si on voulait éviter cela il fallait se donner les moyens de déclencher une discussion éthique globale, ce qui n’est pas facile.

Bien à vous,

M.C.

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