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En réponse à :

Prise en charge des fausses routes en gériatrie

, par Michel

Bonsoir, chère Alexandra. Merci de votre amicale confiance.

Il n’y a pas de rapport direct entre les fausses routes et la fin de vie. Si vous considérez le cas de certains accidents vasculaires cérébraux, ou de certaines maladies neurologiques, ce sont des situations où on peut observer des fausses routes séquellaires alors que le pronostic vital n’est plus engagé.

Mais il faut se souvenir que la déglutition n’est pas un acte simple, et qu’il demande lucidité et énergie ; les fausses routes sont donc plus fréquentes en fin de vie : elles ne l’annoncent pas mais elles l’accompagnent, ce qui revient au même. Par ailleurs, comme vous le notez, le patient qui fait des fausses routes redoute de manger, ce qui entraîne une dénutrition de fâcheux pronostic.

Je pourrais donc vous répondre que la fausse route n’annonce pas la fin de vie, mais que si vous dites que la survenue de fausses routes chez votre tante est un signe très péjoratif, vous avez certainement raison. Le problème est que cela ne permet nullement de fixer une échéance.

C’est d’autant plus difficile qu’on ne connaît pas le mécanisme en cause. On ignore généralement que la démence de type Alzheimer s’accompagne de troubles neurologiques (on se demande bien pourquoi les plaques séniles ne se trouveraient que sur les zones de la cognition, et épargneraient les autres aires cérébrales). Il y a notamment des troubles visuels ; et à mon avis il se pourrait bien (je n’ai aucune preuve) que les troubles de la déglutition, si fréquents dans la démence de type Alzheimer évoluée, soient à inscrire dans ce cadre (toutefois ce n’est pas le seul mécanisme envisageable : la grabatisation est en elle-même un facteur de risque). Si les fausses routes s’expliquent de la sorte, alors elles ne témoignent pas d’une aggravation inquiétante ; par contre elles engendreront une dénutrition délétère. Mais il se peut aussi que ces fausses routes témoignent d’une grande altération de l’état général ; le pronostic à court terme est alors bien plus mauvais.

Je dirais : peu importe, car nous n’avons guère de solution à proposer. La seule chose à considérer est, comme vous le faites, le confort. Et le confort est problématique. Car ces malades, effectivement, redoutent de manger et le risque qu’ils aient faim est tout à fait réel.

Je suppose que tout a été fait (faire manger un malade qui fait des fausses routes est possible, mais c’est tout un art) pour améliorer les conditions de ses repas. Si ces efforts n’ont rien donné, alors on se trouve devant une situation typiquement palliative. Il faut en premier lieu évaluer la souffrance, ce qui suppose une observation patiente et attentive ; on arrive souvent à se faire une idée, et souvent cette idée est rassurante. Mais si elle ne l’est pas, alors il y a trois solutions :
- L’alimentation artificielle. Vous devez bien vous douter que ce n’est pas ma tasse de thé.
- Les anorexigènes, tout simplement. Il y en a toute une panoplie.
- La sédation. Je crois que si on veut maintenir le tabou de l’euthanasie, cela nous oblige à traiter toutes les souffrances qu’on observe, et par tous les moyens. Je ne sais pas ce que je déciderais face à votre tante, mais si quelqu’un me disait : elle est très éprouvée par la sensation de faim, cela me suffirait pour admettre l’opportunité d’une sédation.

Mais n’allons pas trop vite : les vieux post-soixante-huitards de mon acabit ont connu les grandes grèves de la faim des années 70 ; et ils savent que quand on cesse de manger la sensation de faim disparaît en quelques jours…

Bien à vous,

M.C.

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