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En réponse à :

La confusion mentale

, par Michel

Bonsoir, Audrey.

Difficile, en effet.

L’équipe vous semble déroutée. Je le serais dans au moins deux hypothèses :
- La stratégie a échoué. Je vous ai dit, et je le maintiens, que le risque du traitement est supérieur au risque de la confusion. Mais la confusion n’en est pas moins dangereuse, et il arrive que les choses tournent mal. Cela remet-il en cause la stratégie ? Non. Cela autorise-t-il à dire qu’au point où on en est, mieux vaut changer le fusil d’épaule ? Même pas sûr.
- Ce n’est pas une confusion, ou ce n’est pas qu’une confusion. Le diagnostic n’est pas si facile, et on s’y trompe aisément. La durée, notamment, pose question.

C’est pourquoi je vous dis des sottises : je ne pourrais parler efficacement que si j’avais vu la situation. Et encore.

Il me semble que l’attitude des psychiatres conforte celle de l’équipe : il ne leur est pas venu à l’esprit de proposer un traitement sédatif, neuroleptique ou tranquillisant.

Au fond, ce que je crains le plus (en dehors d’une démence à laquelle de toute manière on ne pourrait rien) c’est que tout s’explique par une confusion psychogène, liée à la conscience que votre père prend d’une évolution problématique. La seule bonne carte serait alors une prise en charge psychologique patiente et massive, dont je ne sais pas si l’équipe a les moyens. La chronicisation pose des problèmes délicats, mais tout de même, en soi, le plus souvent elle finit par s’estomper. Le danger est qu’on a besoin que le patient ait un comportement acceptable pour qu’on puisse gérer sa convalescence.

Si je comprends bien, l’hypothèse qui tient la corde est celle d’une dépression. La dépression est une maladie dont le diagnostic n’est pas si simple, mais si les médecins s’y trompent souvent (dans un sens ou dans un autre), c’est moins le cas des psychiatres. S’ils ont des éléments pour en parler, alors la seule solution est de traiter, et en jouant la carte à fond. Cela, n’est-ce pas, contredit ce que je vous ai expliqué de la dangerosité des traitements. Mais en termes de rapport bénéfice/risque, on se trouve dans une sous-catégorie particulière : ce qui est dangereux c’est de traiter la confusion pour elle-même : on croit qu’on va améliorer les symptômes, alors qu’en fait on va aggraver la situation. Par contre s’il s’agit de traiter la cause de la confusion, cela peut s’entendre.

Ce que vous pouvez faire de très important, c’est essayer de décrypter ce qu’il dit.

La première question est de savoir ce qu’il sait de sa maladie. Que lui a-t-on dit ? Qu’a-t-il compris ? Le déni est un mécanisme particulièrement puissant, et on est souvent surpris de s’apercevoir que tel malade, qui a demandé qu’on lui explique clairement sa situation, et à qui on a loyalement et complètement donné les informations qu’il souhaite, en tire la conclusion qu’il va très bien. Et la règle, face à un malade dans le déni, est de ne pas y toucher : s’il n’est pas prêt à entendre, il ne faut pas forcer le passage. C’est exact, mais à condition de ne pas sous-estimer le danger de ce déni : car il vient toujours un moment où le déni n’est plus tenable, et si on s’est contenté de le respecter sans tâcher de préparer les choses, on peut assister à des effondrements très douloureux. Il faut donc tenir l’équilibre entre la nécessité d’aller au pas du malade et celle de laisser des portes ouvertes.

Mais je m’égare. Pour en revenir à votre père, il faudrait savoir quelle compréhension il a de son état. Il faudrait savoir si la crise actuelle vient :
- De sa prise de conscience qu’il est atteint d’un cancer
- De l’intuition qu’il pourrait être menacé de mort à court terme.
- Ou du fait qu’il est réellement confronté à ce danger.

S’il se pense menacé de mort (et la menace, nous le savons bien, est là, même si nous ne savons pas dans quel délai), alors la situation n’est pas très mystérieuse : il montre simplement que tout ce qui peut lui arriver est ambigu, à double polarité ; et que si c’est à double polarité c’est parce que c’est hors de contrôle. Par exemple l’hôpital est un lieu qui le sécurise, parce qu’on peut le soigner en cas de danger, mais c’est un lieu qui l’angoisse, parce qu’i lui rappelle qu’il n’est pas hospitalisé pour rien. C’est l’inverse pour le domicile : s’il rentrait cela signifierait qu’il va mieux, mais cela supposerait qu’il assume le risque. Il n’y a donc pas de bonne solution, et la seule position tenable pour votre père est de dire les deux choses à la fois, tout et son contraire. Un peu comme dans les rêves, un peu comme dans la confusion. Et ce que je vous dis est précisément que la confusion, parce qu’elle lui permet de dire tout et son contraire, fonctionne comme les rêves : c’est un mécanisme protecteur, raison pour laquelle il n’est pas si évident qu’il faille y toucher sans précaution. La difficulté vient de ce que les choses durent, et que le mécanisme protecteur risque de se retourner contre lui.

Je serais tenté malgré tout de le renvoyer chez lui, mais à la condition expresse que pendant les premières semaines on soit capable d’assurer une prise en charge parfaite. C’est pourquoi il faudrait faire l’inventaire des moyens disponibles.

Tout de même, j’ai l’impression que l’horizon s’éclaircit un peu…

Bien à vous,

M.C.

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