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En réponse à :

La personne âgée opposante : ma soeur qui se dit morte.

, par Michel

Bonsoir, Edith.

Je comprends votre embarras. Malheureusement je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider beaucoup, parce qu’il y a plusieurs hypothèses à envisager, et il m’est bien difficile, à distance, de me faire une idée fiable de ce qui se passe.

Et je vais commencer par vous fâcher.

Car l’expérience m’a appris une chose essentielle : quand le proche d’un malade me précise que ce malade a toute sa tête, c’est le signe quasi-infaillible qu’au fond de lui il commence à en douter sérieusement. Et il a bien raison (voyez La démence ou l’art du camouflage). Malheureusement dans l’histoire que vous racontez cette hypothèse doit absolument être envisagée. Dans ce cas on pourrait penser que l’agressivité qu’elle manifeste est une sorte d’écran de fumée grâce auquel elle espère éviter que vous ne vous rendiez compte des dégâts. A tout le moins les accusations qu’elle porte contre vous dénotent un trouble du jugement.

Ceci rappelé, il faudrait se demander à quoi nous avons affaire, et c’est beaucoup plus difficile à dire. D’après votre récit elle semble s’occuper assez normalement de sa vie quotidienne, et manifester un certain intérêt pour son environnement. On n’est donc pas tenté par un diagnostic de dépression (enfin, c’est parfois très retors). On peut avoir affaire à une forme de délire, mais c’est très compliqué : si elle dit qu’à 88 ans elle va mourir bientôt, elle ne fait qu’énoncer une évidence ; le problème est dans les conclusions radicales qu’elle en tire. Mais il y a aussi le fait que, comme vous dites, depuis toujours elle se trouve vieille. Il y a là une position qui semble structurelle, et que les ans ne pouvaient qu’aggraver.

Cela me contraint à vous dire que je ne vois pas comment on pourrait vous conseiller en l’absence d’un bilan gérontopsychologique en règle : le plus probable serait qu’on dise n’importe quoi. En particulier il est impossible de faire la part de ce qui revient à sa structure psychologique de base (« J’ai omis de vous dire qu’elle a toujours refusé la présence d’autres personnes, qu’elle vit en autarcie. », et qui relève de son droit absolu, et de ce qui revient à une pathologie qui nécessite qu’on en prenne soin.

C’est capital, car cela détermine votre marge de manœuvre. Il y a quatre choses à considérer :
- Ce qui relève de sa liberté : elle est comme elle est, elle a le caractère qu’elle a. C’est ainsi. Mais vous, vous n’êtes pas forcée de l’accepter, et elle doit assumer les conséquences de ce qu’elle décide. Je me souviens de cette vieille dame qui, en institution, se plaignait d’être totalement délaissée, et de n’avoir jamais la moindre visite, notamment de son fils. Et j’étais scandalisé. Jusqu’à ce que je voie le fils ; celui-ci m’a expliqué que sa mère l’avait abandonné à la naissance, qu’elle avait toujours su où il était mais qu’elle n’avait jamais voulu le moindre contact avec lui ; et voilà que quand elle est entrée en institution il s’est vu sommé de payer la maison de retraite… Autant dire que leur relation ne s’était pas renouée sur les bases les plus idéales…
- Ce qui relève d’une pathologie, délirante ou autre. Cela demande un peu plus de discernement, tout en vous souvenant qu’être malade ne donne pas tous les droits, que vous n’êtes pas une professionnelle du soin et que vous n’êtes pas tenue de tout subir.
- Ce qui, lié à la pathologie, n’en est pas totalement dépendant. Je veux dire par exemple que les déments, s’ils n’ont plus les moyens d’analyser correctement le réel qui les entoure, gardent très longtemps leurs habiletés affectives ; de sorte que quand ils se montrent agressifs ou revêches (tentative désespérée de cacher leur déclin sous le masque d’un sale caractère), il y a souvent un moyen de leur faire sentir qu’à ce jeu ils pourraient bien avoir quelque chose à perdre.
- Ce qui relève enfin de votre propre souffrance. Vous et votre sœur avez toujours été très liées, et il vous est difficile de voir votre relation s’abîmer. Mais du coup il se peut que vous surestimiez la difficulté et la dégradation de cette relation.

Mais tout cela est très compliqué, d’autant qu’on voit mal comment vous vous y prendriez pour la faire examiner…

Bien à vous,

M.C.

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