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En réponse à :

La personne âgée opposante

, par Michel

Bonjour, Evelyne.

Vous décrivez une situation malheureusement fréquente, et contre laquelle nous sommes un peu démunis.

Je ne sais pas quel est le degré de l’atteinte de votre mère, mais je suppose qu’il est assez avancé ; suffisamment en tout cas pour que son maintien à domicile ne soit plus possible. Il y a donc plusieurs causes à ce que vous observez.

Comme vous le sous-entendez, les activités qu’on lui propose ne sont pas adaptées à son état. Ce n’est pas surprenant : non seulement parce que les moyens d’animation des EHPAD sont limités, et qu’ils ne peuvent les adapter aux malades déments, qui demandent une prise en charge spécifique, mais parce que chacun de ces malades est un cas particulier, qu’il faudrait traiter à part. Il sera bien difficile d’y remédier.

Mais il y a d’autres aspects à considérer.
- Le plus rassurant est que vous constatez cela alors que votre mère est institutionnalisée depuis peu. Or ce repli sur soi est assez habituel, de sorte qu’il y a toutes les raisons d’espérer qu’elle va tout simplement prendre confiance et s’adapter.
- Elle est effectivement très handicapée parce qu’elle a perdu cette faculté auditive particulière qui permet de trier les sons qu’on entend, de manière, par exemple, à filtrer dans une conversation multiple, les paroles de l’interlocuteur avec qui on souhaite converser. Cette perte se fait avec l’âge, et elle s’aggrave quand on ne se fait pas appareiller assez vite, car les prothèses amplifient de manière égale tous les sons (y compris celui de la petite cuillère dans la tasse) ce qui est insupportable. A cela il y a bien peu à faire, même si j’ai entendu dire que certaines prothèses, probablement hors de prix, représentent un progrès sur ce point.
- Mais il faut considérer surtout que devenir dément n’est pas devenir idiot. Votre mère est parfaitement consciente de sa difficulté intellectuelle (la prétendue anosognosie du dément est une erreur d’analyse majeure), et cela explique pour une bonne part qu’elle n’ose plus se montrer. Il y a là un peu de grain à moudre, surtout si l’EHPAD sait s’organiser pour que votre mère reçoive des visites, notamment des autres résidents, ce qui pourrait la mettre en confiance.
- Il faut aussi tenir compte du fait qu’un certain degré d’aboulie (c’est-à-dire une difficulté à prendre la décision de faire quelque chose) fait partie de la maladie. Non seulement ce symptôme est tout de même un peu corrélé dans son mécanisme à celui de la dépression, mais il n’est pas rare que les antidépresseurs l’améliorent ; simplement, je ne me presserais pas, et j’attendrais de voir si elle ne s’adapte pas.
- Ajoutons que l’ennui est aussi une manière de manifester sa souffrance devant le fait qu’elle n’est plus chez elle.

Un dernier point pour moi : l’ennui est un sentiment bien plus fécond qu’on ne pense, et dont il y a quelque chose à faire du point de vue spirituel. J’en suis sûr pour les enfants, qu’il faut laisser s’ennuyer (enfin, pas trop longtemps) : c’est en s’ennuyant que l’enfant fait cette expérience métaphysique fondamentale de l’écoulement du temps et de sa place dans cet écoulement. Je ne sais pas ce qu’il en est chez la très vieille personne, ni chez le dément, mais je m’en doute.

Bien à vous,

M.C.

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