Poster un message

En réponse à :

Les soignants et les familles

, par Michel

Bonsoir, Paulette.

Je reprends le travail sur vos messages ; je le fais avec retard, mais j’espère que vous ne m’en voudrez pas trop : ces derniers jours j’avais la tête ailleurs.

Le problème c’est la richesse de ces messages, qui ne permet guère d’envisager une réponse complète. D’autre part je risque de me répéter. Mais tant pis.

Je le dis et le redis : l’implication des proches dans la prise en soins me semble ouvrir des perspectives très riches, et j’y suis totalement favorable. Mais je dois tout de suite ajouter que cela ne va pas de soi, et qu’il faut envisager une foule de questions auxquelles on ne songe pas nécessairement. Deux au hasard :
- Il est évident que certaines familles seront partantes, d’autres pas (je ne parle même pas des résidents qui n’ont pas de famille). Du coup la charge en soins pour l’établissement ne sera pas la même selon les résidents. Comment va-t-on gérer cela ?
- La prise en soins implique un risque d’accident du travail, de maladie professionnelle. Quelles implications juridiques pour les proches ? Pour l’établissement ?
Je vous donne ces deux exemples parce qu’ils sont caractéristiques des problèmes qu’on pourra rencontrer, mais aussi parce qu’on peut leur trouver une solution ; cela n’entame en rien ma conviction que c’est par là qu’il faut aller, mais cela souligne qu’il y a une réflexion à conduire.

De manière plus délicate, il faut prendre en compte les implications affectives du soin. On commettrait une lourde erreur en pensant qu’il n’y en a pas, y compris chez les soignants ; et qu’il n’y a pas de précaution à prendre quand on institue les proches comme des soignants ; j’ai de cruels souvenirs en cette matière.

Mais revenons à votre situation.

Quand je relis ce que vous écrivez à propos de la manière dont a été prise la décision de se ranger sur ce point à l’avis du résident, je ne peux me retirer de la tête l’idée que le CVS n’a pas réellement adhéré à votre proposition, et qu’il s’est agi là d’une concession qui vous avait été faite. Si mon intuition est juste, vous ne pourrez guère compter sur lui. Quant au Directeur, il me semble évident qu’il n’est pas du tout préparé à envisager une telle possibilité ; et à supposer que son prédécesseur l’ait admise, lui ne l’entend pas ainsi. Il y a bien peu de chose à y faire : c’est une culture du soin qui n’est pas adaptée, vous ne changerez pas la culture du soin. On peut le regretter, bien sûr ; mais comme je vous l’ai dit ce que nous cherchons c’est une solution efficace ; et il est illusoire de penser que celle-ci pourrait l’être. Par contre à vouloir imposer un changement dont par ailleurs je pense comme vous qu’il ferait le plus grand bien à cette maison, vous avez toute chance d’engendrer un conflit dont personne ne sortira indemne. Dès lors de deux choses l’une : ou les soins sont d’un niveau suffisant, et il convient d’aménager ce qui peut l’être, ou ils ne le sont pas, et la seule issue est de changer d’établissement (c’est même un devoir si des lacunes importantes sont constatées).

J’y insiste encore, car votre projet n’est pas clair.

Quand je propose que les proches soient impliqués dans la prise en soins, c’est à cause de ce que vous écrivez dans votre mail du 12, et dont je reprends la dernière phrase : Il n’y a pas que la relation soignant-soigné, il y a la relation soignant-résident-famille à prendre en compte. Il faut la faire vivre et la richesse du partage de ces instants peut être magique. À cela je souscris totalement (même si j’ajoute qu’il y faut quelques précautions). Mais il suffit de comparer le nombre de lignes que vous consacrez à cet aspect des choses et le celui que vous consacrez à décrire votre méfiance vis-à-vis de la qualité des soins pour constater que la seconde question vous est bien plus importante que la première. Or je vous l’ai déjà dit : si la qualité des soins pose problème, alors il faut changer d’établissement, parce qu’il y a danger, et parce que vous ne changerez pas la culture du soin. Et je m’inquiète chaque fois qu’à vous lire j’ai l’impression que la distinction entre ces deux aspects de votre participation n’est pas claire dans votre tête. Car si elle n’est pas claire dans votre tête, alors ce flou se sent dans votre relation aux professionnels, et cette relation ne peut que devenir tendue.

Sur le fait que les soignants n’aiment pas se sentir observés, je crois que c’est assez simple. Personnellement j’ai toujours détesté qu’on me regarde travailler. Simplement parce que cela me trouble et que je perds une partie de mes moyens. Il y aurait à travailler sur la timidité des soignants, et sur ce qui fait qu’ils ne peuvent imaginer qu’on les observerait avec bienveillance. Mais c’est ainsi ; on peut décider de ne pas faire avec, mais on n’aboutira qu’à bloquer la situation. Et s’ils sont observés par l’infirmière-cadre ou le médecin administratif de l’EHPAD ou par la direction, c’est de l’observation aussi. Certes ; et c’est tout aussi mal vécu, à ceci près peut-être qu’on reste entre collègues et qu’en quelque sorte « ça ne sort pas de la famille », ce qui rend l’épreuve moins redoutable.

Tout ceci est parfaitement irrationnel, et il y a beaucoup à gagner à faire évoluer les esprits sur ce point. Mais nous n’en sommes pas là, et le pire serait de ne pas en tenir compte au prétexte que cela n’a pas lieu d’être : il y a beaucoup de choses qui n’ont pas lieu d’être, et qui malgré tout se vengent cruellement quand on les néglige.

Par contre je ne crois pas à votre hypothèse : Les jeunes qui arrivent dans l’emploi, "recrachent "leur cour, comme si elles voulaient montrer qu’elles ne l’ont pas oublié. Car si elles se comportent ainsi, c’est au contraire parce que vous les observez ; du coup elles se replient sur leur cours comme sur une ligne de défense. Mais c’est une défense, induite par votre présence. Et elles le font d’autant plus que, comme je vous l’ai dit plus haut, elles ont parfaitement compris que votre attitude est dictée par la méfiance : il y a des choses qu’il est impossible de cacher.

Tout comme vous n’aurez que des mécomptes si vous perdez de vue que vous ne pourrez pas changer la culture du soin. Je la vois d’ici, cette culture ; d’ailleurs elle est tout entière dans l’anecdote que vous rapportez : Combien de fois ma mère m’a dit : "quand elles sont deux à faire ma toilette, elles deux se parlent entre elles, pas plus que si je n’existais pas, c’est tout comme si elles étaient en train de faire la vaisselle ! C’est un grand classique, qui montre que dans cette institution la réflexion sur la prise en soin reste embryonnaire. Tout comme après tout celle sur la démocratie sanitaire : le CVS est une instance consultative, et la Direction n’est pas tenue par ses avis ; mais dans une institution qui fonctionne bien il en va autrement ; encore faut-il y avoir réfléchi. Ce n’est pas le cas dans cet établissement, et vous n’aurez pas les moyens de le faire changer.

La question est donc bien de savoir s’il y a danger à laisser votre mère dans cette maison. C’est pour moi le préalable à toute réflexion.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.