Définir les soins palliatifs

24 | par Michel

L’année 2007 est celle où on fêtera le 20e anniversaire de la création de la première unité de soins palliatifs française ; c’est en effet en 1987 qu’elle s’est ouverte, sous l’impulsion de l’ASP et de Maurice Abiven, dans ce qui était alors l’hôpital de la Cité Universitaire. On pourrait s’attendre que vingt ans après, compte tenu surtout des multiples lois et circulaires qui ont prétendu donner aux soins palliatifs une impulsion irréversible, les choses au moins n’aient plus à être expliquées.

Et cependant on constate tous les jours qu’il n’y a pas de quoi pavoiser : non seulement on trouve sans peine des lieux où visiblement la notion même de soins palliatifs n’est pas encore entrée dans les esprits, mais bien plus nombreux encore les lieux où on s’obstine à confondre phase palliative et période agonique.

Ainsi, quand nous parlons de soins palliatifs pour un patient, les deux réponses les plus fréquentes sont : « Mais il n’est pas en soins palliatifs ! Il a encore quelques semaines devant lui » ; et « Moi, des soins palliatifs, j’en fais depuis toujours ».

Comment se fait-il qu’après tout ce temps on en soit encore à essayer de définir le concept ? Et surtout, comment se fait-il qu’il soit encore à définir ?

Il y a plusieurs raisons à ce malentendu. Essayons d’en discerner quelques-unes.

DEFINIR LES SOINS PALLIATIFS :

Au fait, que disons-nous nous-mêmes des soins palliatifs ? Car il se pourrait bien qu’une partie de l’explication soit liée à la manière dont nous parlons.

La définition de la SFAP :

Voici comment la SFAP définit les soins palliatifs :

Qu’appelle-t-on soins palliatifs et accompagnement ?
Les soins palliatifs sont des soins actifs délivrés dans une approche globale de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale. L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle.
Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s’adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche.

On ne saurait être plus clair, n’est-ce pas ? Mais voyons cela d’un peu plus près.

Les soins palliatifs sont des soins actifs

On voit bien pourquoi ces mots sont écrits : c’est qu’on a l’habitude de dire que les soins palliatifs s’adressent aux malades « à qui on ne fait plus rien ».

Mais de deux choses l’une : ou les mots ne sont là que par élégance, ou ils ont un sens. Parler de « soins actifs » n’a de sens que s’il existe des soins passifs, ou des soins inactifs. Parler de soins actifs c’est postuler non seulement qu’il y a des soins inactifs mais qu’il pourrait bien y avoir des gens qui en font, qu’il pourrait bien y avoir des soignants qui abandonnent leurs malades en fin de vie. La racine de l’incompréhension est là, et c’est bien ce que nous renvoient nos confrères : « Mais moi aussi, je m’occupe de mes malades jusqu’au bout ! ». Réaction défensive, assurément, et souvent assez peu conforme aux faits. Mais qui s’en étonnerait ?

délivrés dans une approche globale

Voici qui est particulièrement révélateur : car lorsque nous entendons parler d’« approche globale » nous avons tous une intuition de ce dont il s’agit. Mais ce ne serait pas trop demander à une définition que de nous dire ce qu’est exactement une approche globale ; il y a fort à parier qu’il y aura là un peu plus de travail qu’on ne l’imagine. Et si on se demande pour qui cette notion d’« approche globale » est claire, on s’aperçoit qu’elle l’est surtout pour ceux qui sont déjà familiers des soins palliatifs.

de la personne atteinte d’une maladie grave, évolutive ou terminale.

De la même manière on souscrit sans peine à cette définition, alors qu’en fait elle présente l’immense inconvénient d’être bien trop floue pour, précisément, définir quoi que ce soit.

L’objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle.

Ici nous avons bien quelque chose qui ressemble à une définition : on ne peut pas parler de soins palliatifs si ces conditions ne sont pas remplies. Mais il n’est pas sûr que ce soit là une spécificité : non seulement il y a maintenant les soins de support, mais il n’a jamais manqué de médecins pour se préoccuper de toutes ces dimensions : les soins palliatifs ne sont pas nés de rien.

Les soins palliatifs et l’accompagnement sont interdisciplinaires.

Du point de vue de la définition, voici qui est important : car il est dit que l’interdisciplinarité est une condition nécessaire pour parler de soins palliatifs. Mais il est tout de même un peu surpenant de voir apparaître ici la notion d’accompagnement, alors même qu’on n’a pas songé à dire de quoi il s’agit ; une telle incongruité montre à l’évidence que cette définition est à simple usage interne, et qu’elle n’a pour cible que les déjà initiés.

Ils s’adressent au malade en tant que personne,

On voit bien de quoi il s’agit : on veut se démarquer là des approches par trop organicistes, qui donnent l’impression que certains professionnels ne voient qu’une partie de la personne. Mais on ne trouvera guère d’ophtalmologiste pour admettre que ses soins ne s’adressent pas au malade en tant que personne.

à sa famille et à ses proches,

Ce point est nettement plus original, même si cette originalité a fléchi depuis la loi du 4 mars 2002 [1].

à domicile ou en institution.

La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font partie de cette démarche.

Là aussi il s’agit d’une condition négative, comme celle de l’interdisciplinarité. Le problème est que cela n’a rien de spécifique aux soins palliatifs.

Nous avons donc là l’exemple d’une définition qui ne définit rien. Si nous, militants des soins palliatifs, ne nous en apercevons pas, c’est parce que nous ne l’avons pas analysée avec le minimum de rigueur nécessaire ; c’est surtout parce que nous sommes, nous, avertis de cette question, et que nous nous reconnaissons dans la définition. Mais s’il en va ainsi c’est simplement parce que la définition est tautologique, et contient en elle-même les éléments qu’elle veut décrire : elle n’est pertinente que pour ceux qui n’en ont pas besoin.

Mais s’il en va ainsi, si réflexion faite la définition de la SFAP nous pose plus de problèmes qu’elle ne nous en résout, et si, surtout, nous n’en avions pas conscience avant d’y regarder ainsi, alors comment voulons-nous que les autres s’y retrouvent ?

Et la définition se poursuit par un texte qui est censé l’éclairer :

A quelles conceptions éthiques se réfèrent les soins palliatifs et l’accompagnement ?

Voici qui semble ambitieux.

Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant, et la mort comme un processus naturel.

On se trouve ici devant la même difficulté, récurrente depuis le début : de quel droit pourrions-nous prétendre qu’il y a des professionnels pour qui le malade n’est pas un être vivant, et pour qui la mort n’est pas un processus naturel ? Tous les praticiens des soins palliatifs voient instantanément de quels types de prise en charge on nous parle ici. Mais le fait de parler à ce sujet de « conception éthique », surtout en faisant mine de la revendiquer comme une spécificité, porte un nom : l’outrecuidance, aggravé mine de rien par l’hypostasie : les soins palliatifs ne considèrent rien du tout, ce sont des techniques ; ceux qui considèrent, ce sont ceux qui les pratiquent.

Ceux qui dispensent des soins palliatifs cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables (communément appelés acharnement thérapeutique).

Cela est bel et bon, mais on attend de pied ferme une définition du déraisonnable.

Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort.

Voici la seule chose claire de cet ajout.

Ils s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s’emploient par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche, à ce que ces principes puissent être appliqués.

Ce n’est là qu’une simple redite de la définition.

Un léger malaise :

On ressort de cette définition un peu éprouvé :
- Elle manque singulièrement de rigueur.
- Elle a le défaut de ne pas définir grand-chose.
- Elle n’est utilisable que par ceux qui connaissent déjà la question.
- Elle professe un mépris aussi profond qu’implicite pour un grand nombre de confrères et collègues.
Dans ces conditions il y a peu de chance pour que cette définition aide si peu que ce soit à faire comprendre aux non-initiés de quoi il s’agit ; elle est à pur usage interne.

Entendons-nous : l’ambition ici n’est pas de trouver une définition meilleure que celle qu’on vient d’analyser, et il est probable au contraire que cette définition est la meilleure possible. Mais on progresse déjà si on prend conscience du fait que la notion de soins palliatifs n’est pas définissable.

LES SOINS PALLIATIFS, UNE SPECIALITE :

Les soins palliatifs sont probablement victimes d’une ambiguïté fondamentale.

Nous militons depuis des années pour que les malades en fin de vie reçoivent les soins dont ils ont besoin, pour que les techniques palliatives soient diffusées et universellement utilisées. Et certes nous avons raison : par exemple la consommation française d’antalgiques reste très insuffisante. Mais les humains sont ce qu’ils sont, et les professionnels labellisés en soins palliatifs que nous sommes ne sont probablement pas très pressés de réussir dans leur entreprise au point de devenir eux-mêmes inutiles : les soins palliatifs doivent être pratiqués par tout le monde, ils sont à la portée de tout le monde, mais pas tout à fait quand même. Et lorsque le confrère ironise : « Moi, tes soins palliatifs, j’en fais depuis toujours », il nous agace de deux manières :
- D’abord c’est faux : en réalité il est bien plus loin du compte qu’il ne le pense, et ses malades manquent encore de l’essentiel.
- Mais on sent bien que si d’aventure il disait vrai nous serions très mal à l’aise.

Il ne s’agit pas d’ironiser : le problème des soins palliatifs se pose effectivement comme cela. Il n’y en a pas moins une contradiction à assumer.

Cette contradiction n’est pas très différente de celle qui hante la gériatrie.

Le temps n’est pas si lointain (au vrai il n’est pas terminé) où le corps médical considérait le vieillard avec fatalisme : on mourait de vieillesse, et il y avait un âge à partir duquel il fallait « leur ficher la paix ». Mais voici que sont arrivés de nouveaux médecins, qui se sont dits gériatres, et qui ont bouleversé les approches. Non, la vieillesse n’est pas une maladie, oui, il faut faire des chimiothérapies aux vieux, et des dialyses, et des remplacements valvulaires. La première grande, incontestable victoire de la gériatrie, c’est d’avoir imposé qu’on traite un vieux comme on traiterait un jeune. Et les résultats sont là, qui valident cette agressivité diagnostique et thérapeutique.

Mais si c’est pour traiter les vieux comme des jeunes, qu’a-t-on à faire d’une médecine pour les vieux ? Pourquoi ne pas laisser faire les spécialistes d’organe, renforcés au besoin d’un de ces mystérieux magiciens de la médecine que sont les internistes ? Et voici que nos gériatres se trouvent acculés à compliquer leur discours : en gériatrie il faut savoir peser le pour et le contre, évaluer les capacités restantes, savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Bref le vieux se soigne comme un jeune, mais il ne se soigne pas comme un jeune.

C’est pourquoi les gériatres se trouvent contestés aussi bien par les spécialistes d’organe pour qui un viscère est un viscère que par les praticiens de médecine polyvalente qui disent faire de la gériatrie depuis toujours.

On repère assez facilement dans le microcosme des soins palliatifs les traces d’une quête d’identité. Ce sont des détails, ils n’ont gurèe d’importance, sauf, précisément le fait que, détails, ils n’ont d’autre fonction que ce qu’ils signifient. Il y avait ainsi dans les années 90 des signes qui permettaient aux initiés de se reconnaître, alors que réflexion faite les choses ne sont pas tout à fait aussi simples. Il suffit par exemple de comparer les effets pharmacologiques de la scopolamine et de l’atropine pour se demander pourquoi en 1992 on en a fait un tel cheval de bataille : le mouvement des soins palliatifs s’est moins mobilisé quand on a commencé à dérembourser les « traitements de confort », comme si le confort n’était pas son fonds de commerce. Il en va de même pour l’acharnement qu’on a mis en son temps à prôner la mort avec zéro tuyau ; qu’il y ait des tuyaux inutiles est une évidence ; que le zéro tuyau soit un horizon indépassable est une autre affaire. Et on ne parlera pas de la perfusion sous-cutanée, qui est à la fois une fort heureuse redécouverte et une pure élégance dans bon nombre de situations. Bref les soins palliatifs ont largement trouvé leur identité dans un intervalle situé quelque part entre McGyver et l’œuf de Colomb, à ceci près que si les soins palliatifs n’étaient rien d’autre que le fil à couper le beurre nous en serions particulièrement vexés.

L’histoire des soins de support est particulièrement éclairante de ce point de vue. Car le projet des soins de support est dans le droit fil de ce que le mouvement des soins palliatifs a toujours préconisé. Il suffit d’ailleurs de reprendre la définition de l’OMS version 1990 pour comprendre comment le clivage y est conçu : tant que des soins curatifs sont en cours le malade ne relève pas des soins palliatifs, il est donc dans le champ d’autre chose, cet autre chose qu’investissent les soins de support. Les techniques sont naturellement les mêmes, et le débat conflictuel entre soins palliatifs et soins de support apparaît donc pour ce qu’il est : un simple enjeu de pouvoir. Les enjeux de pouvoir ne sont pas des choses négligeables.

Naturellement cela se retrouve dans la structuration même du mouvement ; il ne serait pas difficile, retraçant l’évolution du mouvement, de montrer une histoire en quatre épisodes :
- D’abord celle des pères fondateurs, avec la création des premières unités quasiment mythiques.
- Puis, autour de l’année 1990, celle d’un premier cercle de hussards noirs, d’une première et lente extension des unités de soins palliatifs ; on ne parlait pas encore d’équipes mobiles, et on pouvait dans les congrès de la SFAP rencontrer à peu près tous les participants.
- Les choses prennent une tout autre dimension vers les années 1995 : l’accélération de l’organisation, mais aussi la diversification de l’offre (unités de SSR, équipes mobiles, premières ébauches au début des années 2000 des lits identifiés) était la marque de la diffusion du concept, mais aussi peut-être d’une certaine présomption.
- Et depuis quelques années, on sent tout à la fois un désenchantement, non seulement parce que les promesses n’ont pas été tenues, mais aussi parce que la diffusion s’est accompagnée d’une dilution, et que la crise d’identité est là, palpable, pesante : on ne peut pratiquer de la même manière dans des lits identifiés et en unité fixe, et il est probable que les dossiers de soins palliatifs ont longtemps confondu projet de soins et allocation de moyens.

Mais cette crise d’identité était-elle évitable ? Toute société, toute église vit les mêmes difficultés, et il s’agit plus sans doute d’une crise de croissance que d’une véritable remise en question. Reste que cela ne rend pas le mouvement beaucoup plus lisible pour les observateurs extérieurs. Et ce n’est pas en se repliant sur une position obisdionale que le mouvement des soins palliatifs va sortir de son problème et énoncer plus clairement ce qu’il est, ce qu’il fait, ce qu’il veut. Et il est évident que dans cette crise les tutelles trouvent leur compte, qui jouent des multiples ambiguïtés pour se soustraire à leurs promesses et obligations.

L’HORREUR DE LA MORT :

Comment les soins palliatifs doivent-ils se présenter ?

C’est là un problème de plus en plus fréquemment posé : les malades sont effarouchés dès qu’ils entendent parler de soins palliatifs, et il est nécessaire de parler plutôt de « soins continus », de réseau de soutien à des malades graves, bref de surenchérir sur la litote.

Il faut sans conteste réfléchir à cette question. Mais tout de même les plus anciens d’entre nous se souviennent que ce point avait été débattu lors de l’ouverture des premières unités de soins palliatifs ; l’avis unanime des grands anciens était que lorsqu’on annonçait « unité de soins palliatifs » à l’entrée du service il ne se passait rien de particulier, si ce n’est que les patients étaient plutôt soulagés : c’étaient les autres professionnels qui fantasmaient sur le mouroir.

Les choses ont-elles changé ? Et surtout pour qui ont-elles changé ?

La question de l’annonce des diagnostics évolue de curieuse manière : d’un côté on a le sentiment que les cancérologues ont de plus en plus tendance à appeler un chat un chat, de l’autre il est très fréquent de voir arriver en unité de soins palliatifs des gens qui se croient en maison de repos. Est-ce le déni ? Probablement. À moins qu’il ne s’agisse là que de la conséquence d’un laxisme subreptice dans les attitudes vis-à-vis de cette question. Il fut un temps où, avoué ou non, l’un des objectifs de la prise en charge palliative était la mort en lucidité. Les choses se sont nuancées depuis, et sans doute est-ce un bien : il y avait quelque chose d’héroïque dans cette posture. Désormais on est plus près de dire que le mourant n’a pas d’autre devoir que de mourir, et que la manière dont il s’y prend ne nous regarde pas. Des choses très pertinentes ont été écrites sur l’acharnement psychologique et pour la plupart les professionnels des soins palliatifs ont pris du champ par rapport aux rêveries de la Kübler-Ross dernière manière.

Mais il est bien difficile de dire quelles sont les limites de ces nuances, et on peut craindre qu’on ne soit en train de remplacer le fantasme d’une mort âpre mais idéale par celui d’une mort idéale parce que paisible à tout prix. Il y a là de multiples dangers et de nombreuses fausses pistes.

Par exemple on sait que la prise en charge des familles est particulièrement importante. Allons plus loin : la mort est une séparation, et on peut légitimement soutenir que si elle survient d’abord sur la personne qui perd la vie elle survient aussi sur les proches qui perdent l’être aimé. Le problème est que les soignants ont toujours besoin de s’identifier, et qu’il leur est bien plus facile de s’identifier aux survivants qu’au mourant ; il s’ensuit un risque majeur de dérapage, où on voit parfois l’équipe soignante se préoccuper davantage du bien-être de la famille que de la volonté du patient.

Ou encore on assiste souvent à d’étranges compromis sur l’annonce des mauvaises nouvelles. Il arrive fréquemment que les patients, ou leur entourage, développent des réactions agressives ou revendicatrices après une mauvaise nouvelle, accusant volontiers le soignant « d’avoir manqué de psychologie ». Cela certes peut se produire, et il y a probablement encore beaucoup de progrès à faire pour devenir performant dans ce domaine. Mais il ne faut pas oublier que, quelle que soit la manière dont on l’annonce, une mauvaise nouvelle reste une mauvaise nouvelle, et que nombreuses ont été les civilisations où dans ces cas on tuait le messager. Faut-il pour cela infléchir les attitudes, les stratégies, les objectifs ? Ou bien ne serait-ce pas notre civilisation qui, de même qu’elle a cherché à éradiquer toute douleur, est devenue si intolérante à tout déplaisir qu’elle ne supporte plus l’idée d’infliger la moindre peine ?

Donc il se peut que le monde ait changé, et qu’il ne soit plus bon, de nos jours, d’afficher « soins palliatifs » à la porte des unités. Cela se peut, mais la position des anciens sur ce point était solide, documentée, argumentée, et il se peut que si nous pensons autrement ce soit d’une part parce que nous projetons nos propres fantasmes, et d’autre part parce que nous ne supportons plus le moindre conflit, la moindre acrimonie. Allons plus loin : les malades ne sont pas sots ; tout comme il est ridicule de se figurer que les seuls humains à ne pas penser au cancer sont ceux qui en ont un, de même on se demande pourquoi les seuls malades qui ne pensent pas à la mort seraient les mourants. Dans ces conditions il faut bien se demander si le fait de ne pas lire « soins palliatifs » à la porte des unités n’est pas un facteur de trouble et d’ambiguïté qui a, lui aussi, un coût.

Et on sait que dans le mouvement des soins palliatifs certains sentent vaciller leurs certitudes vis-à-vis de l’euthanasie. Mais se demande-t-on pourquoi ? L’un des éléments de la réponse pourrait bien se trouver ici : nous avons milité pour le respect des « derniers instants de la vie » au motif que ce sont des instants pleins, de travail psychique, de lucidité, de vérité. Et voici que nous glissons vers une sorte de monde cotonneux où tout serait ordre et beauté, luxe, calme et volupté, comme si la mort ne restait pas avant tout ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : une horreur absolue. Que faisons-nous quand nous prétendons éluder ainsi le caractère tragique de la mort ?

LE POIDS DE L’HISTOIRE :

Il ne faut pourtant ni s’alarmer ni s’étonner : si les choses sont aussi embrouillées, c’est probablement parce que le mouvement des soins palliatifs n’a pas pris suffisamment garde aux modifications que son développement était en train d’induire.

Rappelons d’un mot que la pratique des soins palliatifs est bien plus ancienne qu’on ne dit : les services d’incurables sont aussi vieux que l’hôpital général, et la création des Dames du Calvaire date de 1846. Ce qui nous semble l’invention de dame Cicely Saunders n’est que (et ce n’est déjà pas si mal) le choix d’une nouvelle agressivité thérapeutique. Rappelons enfin que les premiers textes de Cicely Saunders datent de 1959 et la déclaration de Pie XII sur l’obligation de soulager la douleur date de 1958.

Bref les médecins en fin de carrière se souviennent de ce numéro de la Revue du Praticien de 1986, qui pour la première fois parlait de soins palliatifs. Numéro historique dont les auteurs s’appelaient Boisvert, Mount, Salamagne, Vanier, Twycross, Parkes, Higgins, Marin, Schaerer, Pillot, Tavernier. Mais le titre exact était : « soins palliatifs terminaux ». à cette époque les choses étaient à peu près simples : on avait en vue la période ultime de la maladie, celle durant laquelle auparavant on « mettait le malade en chambre particulière » dont personne n’ouvrait la porte, au motif qu’il n’y avait « plus rien à faire ». En gros les soins palliatifs visaient le dernier mois de vie, ce qui correspond d’ailleurs à la durée moyenne de séjour en Unité de Soins Palliatifs.

Mais les choses ont très vite évolué. Et cette évolution s’est faite à cause de la notion d’accompagnement. L’une des difficultés identitaires du mouvement des soins palliatifs est qu’il est bâti sur la double notion de soins palliatifs et d’accompagnement, et que cette dualité lui pose bien plus de problèmes qu’il ne pense.

L’accompagnement, c’est la première chose qu’on a pratiquée auprès des malades en fin de vie ; et pour cause : à l’époque où on n’avait rien pour soulager les symptômes la seule ressource était d’aider le malade à les assumer ; et les tirades qu’on entend de manière récurrente contre l’église et son prétendu attachement à une « valeur rédemptrice de la souffrance » sont doublement injustes : d’une part elles méconnaissent largement la vérité historique ; d’autre part elles oublient la réalité du contexte médical.

Mais, précisément, la mise en œuvre de soins palliatifs de qualité, loin de faire disparaître la nécessité d’un accompagnement, en a simplement modifié le contenu et l’urgence. Car on oublie trop souvent que la douleur présente un immense avantage : quand on a mal on ne pense pas ; ou on pense moins. Soulager la douleur du malade c’est lui ouvrir de nouveaux champs d’investissement intellectuel. Si donc l’activité des soins palliatifs se limitait à obtenir un (relatif) silence des organes, permettant ainsi au malade de mieux contempler, savourer, siroter la mort qui s’en vient, il n’est pas certain qu’on lui aurait rendu un signalé service. Soulager les symptômes, c’est de toute nécessité s’engager à assumer ce qui va surgir une fois qu’on l’aura fait. Et c’est là que vient la nécessité de l’accompagnement.

D’autre part il est rapidement devenu évident que le malade a besoin d’être accompagné dès que la question de la mort, voire celle d’une simple invalidité, lui est posée. Et c’est l’épidémie de SIDA qui a le plus fait pour provoquer l’évolution de cette situation. Le SIDA présentait en effet la particularité d’être une maladie d’évolution lente pour laquelle on ne disposait d’aucun traitement curatif. En somme on était d’emblée placé dans une situation de soins palliatifs. Il a donc bien fallu admettre que les soins palliatifs couvrent une période plus longue, et on a été jusqu’à dire que la question des soins palliatifs doit être posée dès le début, c’est-à-dire dès la prescription du premier test. Allons plus loin : si un malade développe un cancer, il se trouve rappelé à la promesse de sa mort, quand bien même il serait évident que le pronostic vital n’est guère engagé.

La question de l’importance relative dans la prise en charge des malades en fin de vie des soins palliatifs et de l’accompagnement n’a aucune raison de se poser en théorie ; elle ne s’en pose pas moins en pratique, non seulement parce qu’elle autorise une nouvelle variante de la rivalité entre médecins et autres soignants (ou entre soignants et psychologues), mais encore parce que, il faut bien l’avouer, le corpus de connaissances en matière de technique palliative ne s’enrichit pas très vite, alors que les médecins de l’âme ont tendance à être plus loquaces. Du coup l’accompagnement tend à prendre le pas sur les soins palliatifs, et il est révélateur de noter que la société savante qui rassemble les professionnels de cette discipline s’appelle non la Société Française de soins Palliatifs et d’Accompagnement, mais la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs.

Mais du coup on admettait que l’accompagnement peut commencer bien avant le moment où l’état du malade va requérir les techniques et les raisonnements de soins palliatifs. Et du coup on se mettait en difficulté pour définir le moment où on peut dire que débutent les soins palliatifs. Cette difficulté était un grand thème de débats en 1990, elle l’est toujours.

ALORS, DE QUOI PARLE-T-ON ?

Il n’est pas étonnant que dans un tel magma intellectuel les praticiens des soins palliatifs ne sachent plus de quoi ils parlent, et à plus forte raison, donc, ceux qui les écoutent. Reste à se demander à quelles conditions on peut retrouver un minimum de cohérence, et surtout un minimum de repères.

Mais il faut distinguer deux versants de la question.

Il est capital pour les professionnels de santé de pouvoir dire ce qu’ils font et échanger à ce sujet. Pour les professionnels, donc, il est capital d’arriver à définir ce que sont les soins palliatifs.

Mais les choses sont différentes quand il s’agit du malade. Et on se trompe massivement sur la question de l’annonce.

Disons pour faire court que le diagnostic n’a aucune importance. Le médecin n’est pas là pour dire ce qui se passe, mais pour dire ce qui va se passer (et si faire se peut pour trouver un moyen que les choses se passent autrement). Le médecin n’est pas là pour faire des diagnostics, il est là pour faire des pronostics. Il se trouve simplement que le meilleur moyen de faire un pronostic est d’avoir un diagnostic. Mais quand le malade demande : « Qu’est-ce que j’ai ? », indépendamment d’une curiosité intellectuelle aussi récente que largement factice, ce qu’il demande n’est pas : « Qu’est-ce que j’ai ? », mais : « Qu’est-ce que je vais avoir ? ». Et le problème de certains diagnostics est qu’à tort ou à raison ils impliquent un pronostic : s’il importe au malade de savoir s’il a un cancer, c’est simplement à cause de ce cela implique en termes de vision de son avenir ; si ce n’était pas le cas, le malade n’aurait que faire du nom de sa maladie : ce qu’il veut c’est guérir, peu lui importe de quoi [2].

De la même manière, la seule chose qui lui importe est de recevoir les soins adaptés à son état. La manière dont on les nomme ne l’intéresse pas. Si la notion de soins palliatifs a pour lui une importance, c’est parce que tout le monde s’accorde pour dire qu’elle a à voir avec la mort. Parler de soins palliatifs, c’est parler de mort.

Il va bien falloir passer des compromis. Et on peut soutenir légitimement que le malade a besoin d’être accompagné très tôt dans sa maladie ; mas on voit vite que cette position extrémiste est intenable : à trop étendre une définition on la vide de sa substance, et l’accompagnement se résumerait vite à la contemplation de ces vanités si chères aux peintres du début des temps modernes.

On va donc proposer une définition qui essaie de cerner au plus près ce qu’on entend par « soins palliatifs ». Mais il est clair qu’elle présente le défaut d’être inutilisable, et qu’elle n’est donnée que pour fixer les idées.

Dans l’évolution de la maladie mortelle, il y a clairement deux phases : celle où le médecin (et le plus souvent le malade) compte bien obtenir la guérison. Mais voici que les choses tournent mal : il vient un moment où le médecin prend conscience du fait qu’il ne va pas guérir le malade. Ce moment, véritable tournant dans l’idée que le médecin se fait de la situation, est celui où le médecin change d’avis ; ce moment existe, il est repérable, et il signe tout de même bien une modification stratégique, qui mérite d’être appelée phase palliative. Naturellement cette définition n’aucune valeur, car le moment est difficile à dater, d’autant plus que ce changement d’avis ne se produit pas en même temps pour le médecin et pour l’infirmière, encore moins pour le malade (qui souvent est en avance sur les soignants...). Mais on a dit plus haut que la question est plus importante pour les soignants que pour le malade [3] ; or que ce changement de stratégie est perceptible, et que son existence peut justifier la notion de « phase palliative ».

On propose donc clairement de se remettre en chemin vers la définition de 1986, pour laquelle les soins palliatifs sont les soins palliatifs terminaux. Mais nous disons bien : « aller vers » ; chacun sait que la prise en charge doit commencer en amont, et qu’il faut lutter au contraire contre l’erreur si répandue chez nos confrères qui est de confondre phase palliative et période agonique, et de croire qu’on n’est pas en soins palliatifs tant qu’on n’a pas abandonné tout traitement. Reste qu’il faut réduire le champ des soins palliatifs, ouvrant pour tout ce qui précède la place aux soins de support. On pourrait donner comme ordre d’idées que la période palliative couvre le dernier trimestre de la vie, ce qui a toute chance de recouper l’absurde proposition faite plus haut : le moment où le médecin change d’avis.

Beaucoup de professionnels vont rechigner à cette idée. Mais ils le feront pour deux raisons :
- La première, bien humaine mais totalement irrecevable, est la perte de territoire.
- La seconde, plus importante, est qu’il vaudrait mieux pour le malade avoir affaire à une seule équipe, qui le connaisse de longue date. Mais il s’agit là d’un simple problème d’organisation, dont la solution passe avant tout par la fin de la suspicion entre les uns et les autres.

Dire que la notion de soins palliatifs est connexe de celle de mort, c’est laisser de côté bon nombre de situations. Mais ici également il faut bien faire des compromis. En rigueur de terme il faudrait tenir que les soins palliatifs sont tous les soins qui visent à assurer le confort du malade sans pour autant prétendre le guérir. Mais on voit bien que cette définition est intenable : le traitement de la grippe est palliatif ; le fait d’avoir une sclérose en plaques n’implique pas en soi une prise en charge par une équipe de soins palliatifs ; et une patiente atteinte d’un cancer du sein métastasé répondant à la chimiothérapie n’est pas en soins palliatifs. Quitte donc à argumenter sur des cas-limite (qui ne manqueront pas), il vaut mieux tenir que les soins palliatifs se déploient sous les ailes de la mort ; et c’est à bon droit que le livre classique de Jean-Marie Gomas sur les soins palliatifs à domicile s’appelle : « Soigner à domicile les malades en fin de vie ».

Il faut toutefois être conscient d’un très grand danger. Oui, le malade de soins palliatifs est en route vers la mort. Mais pour autant la date de cette mort a une très grande importance, et on ne saurait prétendre qu’au point où en sont les choses le risque de raccourcir l’évolution est négligeable. Au contraire, le professionnel doit mettre son honneur a tenir un compte jaloux de chacun des jours du patient : la vie n’est pas sacrée mais la vie de l’autre l’est.

Cela veut dire qu’en soins palliatifs on doit mettre en œuvre tout ce qui est raisonnable pour prolonger la vie du patient. Et cela se heurte à deux difficultés majeures :
- La première est que, comme on l’a déjà vu, on serait bien en peine de définir le déraisonnable.
- La seconde est que dans les situations souvent dramatiques de la fin de vie il n’est pas si simple de savoir ce qui est réellement le désir du malade, ce qui impose bien souvent aux professionnels de l’interpréter, avec un risque majeur de ne pas être objectifs ; la tentation de renoncer à des soins « pour le laisser tranquille » est alors très grande, alors que les soins palliatifs n’ont de sens ni de légitimité qu’à la condition de rechercher, contrairement à ce qu’on pense, la survie la plus longue compatible avec la qualité de vie la plus grande.

Ainsi conçus, les soins palliatifs se présentent comme des soins particulièrement agressifs. C’est que les ambitions thérapeutiques sont très hautes : il s’agit d’obtenir une sédation totale de tous les symptômes, ce qui implique un déploiement de moyens important. La préservation, voire la restauration de l’autonomie sont des objectifs majeurs. Cela a des incidences importantes sur le choix des techniques et de matériels (et on ne peut qu’être déçu, par exemple, de l’utilisation confidentielle des techniques de reconstructions osseuses dans les cancers métastasés), mais aussi sur celui des aides techniques et des méthodes de rééducation : le mourir debout est un objectif en soins palliatifs comme ailleurs.

Non seulement, comme on l’a dit, rien ne doit être négligé pour permettre au patient, sauf indication expresse de sa part, de prolonger sa vie, mais encore il faut pousser jusqu’à son extrême l’injonction de Thérèse Vanier : les soins palliatifs sont tout ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire. Cela doit s’entend de deux manières :
- 1.Comme on le dit classiquement, il s’agit de comprendre que lorsqu’il n’est plus possible d’espérer une guérison ou une amélioration il reste une foule de choses à mettre en place pour que la fin se passe le moins mal possible.
- 2.Mais il y a une autre lecture. Je commence à faire des soins palliatifs lorsque, dans la chambre du malade, ayant accompli correctement tous les gestes pour lesquels j’étais venu, et y ayant passé le temps qu’il fallait, je décide de rester encore un peu alors que mon travail est terminé, et que je n’ai plus rien à faire ; quand je décide de rester alors qu’il n’y a pas de raison. Car il n’y a pas d’autre mesure de l’intérêt que je porte à mon prochain que le temps que je décide de perdre avec lui. C’est d’autant plus important pour ce malade pour qui, précisément, le temps se fait court ; le langage courant prétend qu’on peut donner son temps, il a raison : décidant de perdre du temps avec lui, je signifie du même coup au malade que le temps n’est pas si court, puisque j’en ai, et que je peux, en quelque sorte, lui en transfuser.

C’est parce que cette problématique du temps est centrale en soins palliatifs que la tarification à l’activité est une catastrophe absolue pour les USP : leur seule raison d’être était de se présenter comme des lieux où le temps ne compte pas ; voici désormais que le temps est autant dire facturé à la journée. C’est pourquoi il faut craindre la disparition des unités de soins palliatifs en France, les seuls îlots de résistance étant les unités de soins de suite, et il est douteux que cela dure.

Faut-il savoir qu’on est en soins palliatifs ? C’est probablement la question la plus difficile de toutes.

Nous avons vu que le malade n’a pas d’autre désir que celui d’être soigné. De ce point de vue, qu’il reçoive des soins curatifs ou des soins palliatifs, pourvu que ce soient les bons, n’a aucune importance, c’est une pure définition à l’usage des soignants. Par contre ce qu’il apprend quand on lui dit qu’il est en soins palliatifs c’est qu’il est question de sa mort.

Nous avons eu l’occasion de nous interroger sur le fait que dans la culture du Mouvement des soins palliatifs l’accompagnement tend parfois à prendre une place étrangement prépondérante. Mais il nous faut rester lucides. Nous n’avons qu’une seule raison de nous opposer à l’euthanasie : c’est que la vie est jusqu’au bout une vie qui vaut d’être vécue ; et une vie qui vaut d’être vécue, ce n’est pas une vie où on a mal, ce n’est pas davantage une vie qui se borne à une prise correcte d’antalgiques. Si nous luttons contre la douleur c’est pour que se dégage un espace où le sujet pourra vivre la réalité de ce qu’il vit. Car si ce n’est pas pour cela, alors cette vie a bien peu d’intérêt, et sauf à en tenir pour son caractère sacré le plus simple et le plus humain serait d’y mettre un terme. Autant dire que les soins palliatifs n’ont de sens que s’ils ouvrent la voie à l’accompagnement.

Et il faut bien admettre dès lors que sur ce point la dogmatique des soins palliatifs vit d’étranges oscillations. Certes l’idée, issue d’une lecture simpliste des travaux d’E. Kübler-Ross, que le malade devrait en toutes circonstances mourir en pleine lucidité, cette idée n’a pas tenu longtemps ; et de plus en plus nous avons appris à laisser le malade libre de ses chemins, de ses errances, de ses refus.

Mais dans notre pratique quotidienne, quels sont les moyens dont nous disposons, quels sont les moyens que nous recherchons, quels sont les moyens que nous mettons réellement en œuvre pour que le temps qui reste au malade soit un temps qu’il partage en vérité avec ceux qui l’entourent ? Après avoir vécu la tentation de l’acharnement spirituel, il se pourrait bien que nous en soyons souvent à une euthanasie spirituelle, à moins qu’il ne s’agisse d’un sommeil induit.

Il fut un temps où, pour beaucoup d’unités de soins palliatifs, l’une des conditions d’admission était la connaissance par le malade de son état et de ses enjeux. Cette exigence a pratiquement disparu. Est-ce une bonne chose ? Une mauvaise ? La réponse est assurément difficile. Ce qui en revanche n’est pas douteux c’est que de cette réponse dépend la nature même des soins palliatifs, probablement même leur raison d’être.

Notes

[1Mais il serait important de rappeler que, tout de même, le malade et son entourage ne sont pas exactement sur le même plan.

[2Car il préfère indiscutablement guérir d’un cancer que mourir d’une grippe.

[3Et cela doit nuancer les avis sur la manière dont il faudrait nommer les unités de soins palliatifs.