La formation des aidants à domicile Cet article a été relu le 15 avril 2012

16 | (actualisé le ) par Michel

Insidieusement les métiers du prendre soin évoluent, et les frontières se redessinent.

Une mutation discutable mais irrésistible :

L’un des exemples les plus triviaux de cette redéfinition est le débat récurrent sur la distribution des médicaments : on voit bien que les textes qui réservaient cette fonction aux seules infirmières sont inappliqués et inapplicables.

Certes ceci est dû essentiellement à la pénurie d’infirmières ; et il n’échappe à personne que si la réglementation est en train de changer c’est parce que les intervenants à qui par ce biais on délègue une partie de la tâche ne sont pas payés au même niveau (sans doute est-il superflu d’ajouter qu’il s’agit là d’un mouvement général de glissement : par exemple, on s’avise brusquement ces temps-ci qu’on avait un peu sous-évalué la compétence, pourtant indiscutable, des infirmières relativement à certains actes techniques qu’on réservait aux médecins ; mais c’est avant tout parce qu’une infirmière coûte moins cher qu’on médecin). Il y a donc là quelque chose de très déplaisant, et cela ne donne guère envie de cautionner les glissements en question.

D’un autre côté il faut remarquer au moins trois choses :
- La vigueur avec laquelle, en son temps, les infirmières se sont crispées sur le sujet de la dispensation des médicaments avait un fort relent corporatiste, d’autant moins opportun qu’elles auraient été bien en peine, numériquement, de l’assumer.
- Il y avait quelque chose de difficile à comprendre dans le fait que si les aides-soignantes n’étaient pas autorisées à distribuer les médicaments, la voisine de palier l’était sans problème.
- Les choses étant devenues ce qu’elles sont, il semble difficile de continuer à les ignorer ; force est plutôt de chercher à s’adapter.

Les aides ménagères sont des soignantes :

Parmi les mutations les plus spectaculaires, il y a celle du métier d’aide ménagère.

On sait que statutairement les aides ménagères sont là pour s’occuper de la maison, non de la personne. Disons pour faire court que la compétence de l’aide ménagère s’arrête là où commence le corps de la personne, et que la première n’est pas autorisée à toucher la seconde (en cela elle se trouve dans la même situation que les auxiliaires de vie).

Mais il y a beau temps que cette frontière a volé en éclats. Le niveau de dépendance des personnes, notamment âgées, augmente, et les services de soins infirmiers à domicile sont devenus hors d’état de satisfaire la demande. Si donc on persistait à dire que seules les aides-soignantes peuvent procéder à une toilette, on aboutirait très vite à une situation catastrophique. Et l’on sait que de plus en plus les aides ménagères sont amenées à prendre en charge des toilettes, même si c’est plus ou moins en catimini.

Pourquoi la toilette ?

Une autre manière de poser la question serait de demander pourquoi le système de maintien à domicile est aussi largement aimanté par la question de la toilette. Il serait intéressant de refaire l’historique de la notion de toilette, et d’hygiène en général [1]. Certes il est important d’être propre, mais tout de même pas d’une manière aussi cruciale qu’on semble le croire ; certes l’instant de la toilette est un moment relationnel privilégié, mais il ne serait pas difficile, et certainement plus approprié, d’en inventer d’autres. Quand on considère la misère d’effectifs dans laquelle se débat le monde hospitalier on se demande un peu pourquoi il consacre un bon tiers du temps de soin à laver de la peau ; et ce que peut bien signifier le fait que malade, famille et soignant s’accorde ainsi à valoriser un acte aussi peu central dans la vie de l’homo sapiens.

Ceci revêt une importance particulière en ce qui concerne l’organisation des soins. Car si les services de soins infirmiers à domicile sont des outils merveilleux, il est tout de même un peu dommage de les voir se consacrer prioritairement à des toilettes. Cela se comprendrait sans peine en situation d’abondance ; mais dans le contexte actuel on a très fortement envie de proposer que, hors certains cas particuliers, les actes de toilette soient délégués à d’autres personnels, permettant ainsi aux services de soins infirmiers à domicile (moyennant, il est vrai, une refonte de leur mode de tarification) d’assumer des situations plus lourdes, et les positionnant ainsi sur un niveau intermédiaire entre les SSIAD actuels et les services d’hospitalisation à domicile.

Bref la question que je veux poser ici est de savoir s’il ne faut pas, même de mauvaise grâce, acquiescer au glissement qui est déjà en marche : de plus en plus les aides ménagères mordent sur le rôle des aides-soignantes, et de plus en plus les SSIAD évoluent vers le rôle des services d’HAD.

Former les aides ménagères :

Mais alors si les aides ménagères deviennent des soignantes, il y a au moins quatre points à considérer :
- Le premier est d’en prendre acte de manière officielle : ce qu’elles font est hors de leur champ de compétence, et elles sont en danger du point de vue de leur responsabilité. Il faut assainir cette situation (on l’a bien assainie pour le dispensation des médicaments...).
- Le second est de lutter pour que leur rémunération soit adaptée à leurs nouvelles fonctions.
- Le troisième est que la validation des acquis et la formation permanente leur permette d’arriver dans un délai raisonnable à un diplôme de niveau CAFAS.
- Le quatrième est d’envisager le plus rapidement possible de les former à cette nouvelle responsabilité.

Cela fait déjà longtemps que je réfléchis à cette question.

Je me suis demandé ce que le médecin que je suis aimerait que les aides ménagères qui s’occupent de mes malades soient capables de faire, de savoir, de connaître.

J’ai donc écrit un manuel de formation des aides ménagères. Ce manuel est purement théorique, et toutes les méthodes pédagogiques notamment sont à écrire. Mais enfin, il existe.

Les chapitres sont :
- L’alimentation du sujet âgé
- Les chutes
- La démence : généralités
- La démence : accompagnement
- La démence : communication
- La douleur
- Les relations avec la famille
- Le grabataire
- L’hydratation
- L’incontinence
- La psychologie du sujet âgé
- Les soins palliatifs
- La toilette
- Les transferts et les déplacement
- Les troubles du transit

Je ne le mets pas en ligne, car il pèse tout de même 704 Ko. Mais je me ferai un devoir de l’envoyer à qui voudra. Et je serais plus heureux encore de le partager pour en faire évoluer le contenu jusqu’à ce que nous obtenions un outil collégial et utilisable.

Une version est progressivement mise en ligne à l’adresse http://www.famidac.net/rubrique197.html : la problématique de la formation des accueillants familiaux n’est pas si différente. Naturellement cette version sera régulièrement mise à jour en fonction des corrections issues du débat.

Notes

[1Voir sur ce sujet A. Corbin, Le miasme et la jonquille, Flammarion éd.